Rôles et Légendes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Rôles et Légendes


 
AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -64%
-64% sur le Lot de 2 Enceintes bibliothèques ...
Voir le deal
199 €

 

 Le Festin de Bricriu

Aller en bas 
AuteurMessage
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Le Festin de Bricriu Empty
MessageSujet: Le Festin de Bricriu   Le Festin de Bricriu Icon_minitime28/6/2007, 09:24

Un riche homme du nom de Bricriu Langue-Amère vint à Emain, pour inviter le roi et ses douze chefs de la Branche Rouge à un grand banquet qu’il organisait, dans la réplique d’Emain qu’il avait fait construire à grands frais. Les guerriers voulurent d’abord refuser l’invitation, car Bricriu avait la réputation d’être un semeur de discorde sans pareil et ils ne voulaient pas le laisser sévir parmi eux. Mais Bricriu insinua qu’il pourrait bien utiliser ses talents pour brouiller Conchobar, ses vasseaux et ses guerriers. Le roi répondit qu’ils iraient donc, mais pour préserver la paix entre pères et fils, et non pour lui plaire.
« - Si j’échoue à brouiller ceux là, rétorqua Bricriu, je dresserais les filles contre leur mère, et si ce n’est pas possible, je ferais se battre entre eux les deux seins de chaque femme d’Ulster. »
Tous savaient que l’individu n’était pas à prendre à la légère, et après s’être consultés décidèrent d’accepter l’invitation, mais à la condition que Bricriu ne soit pas présent dans la maison où ils dîneraient, afin d’échapper à la mauvaise influence qu’il pourrait avoir. Bricriu acquiesça avec un léger sourire.
Dans les couloirs d’Emain il croisa Laegaire, seul, et l’aborda avec beaucoup de déférence. « - Pourquoi n’avez-vous pas le titre de Champion d’Ulster ? lui demanda-t-il après une tirade fort flatteuse.
- Si je le voulais, je pourrais l’avoir, répondit le guerrier.
- Avec les conseils d’un homme comme moi, vous pourriez même être le champion des champions, mentionna Bricriu. Mais il y a un moyen simple de savoir ce que vous valez. Si vous êtes capable de remporter le prix du champion lors de ma soirée, c’est que vous avez vraiment l’étoffe d’un champion d’Ulster.»
Et il s’éloigna, laissant Laegaire songeur.
Il s’arrangea pour rencontrer de même Conall et Cuchulain, et leur transmettre la même information, puis quitta Emain.

Le jour convenu, la cour quitta Emain Macha pour se rendre au festin de Bricriu. Ils trouvèrent une réplique tout à fait exacte du palais de Conchobar, et chacun s’installa dans la grande salle comme s’ils étaient vraiment à Emain. Bricriu, contraint de se tenir à l’écart, avait fait construire juste à coté une petite maison avec des très grandes fenêtres, ainsi il pouvait voir ce qui se passait dans le palais voisin. Avant que le banquet ne commence, il vint tout de même saluer ses invités, et annonça le fameux prix du champion : un chaudron, suffisamment grand pour contenir trois hommes, empli de vin, un verrat nourri depuis sa naissance au lait et au grain au printemps, au lait caillé et sucré en été, au froment et aux glands en automne et au vin et à la soupe en hiver, une belle vache qui pendant sept ans a brouté la bruyère et l'herbe laiteuse des prés ainsi que le blé, et en plus cent gros gâteaux au miel, le tout destiné au plus grand des héros d’Ulster… qu’il se garda bien de nommer.

Buadach, le conducteur de char de Laegaire, proposa aussitôt celui comme champion, mais Id, conducteur de Conall, protesta que son maître y avait autant droit, et Laeg dit la même chose de Cuchulain. Les trois en vinrent rapidement à se disputer sur les mérites de leurs maîtres, et quand ceux-ci intervinrent ça ne fit qu’envenimer la conversation. Cuchulain se retrouva bientôt aux prises avec Conall et Laegaire réunis, car Laeg avait dit qu’il n’y avait pas de honte pour les autres guerriers à reconnaître que Cuchulain était le plus brave d’entre eux, et ça ne leur avait pas plu, mais alors pas du tout. Ils étaient tout près de sortir leurs épées quand Sencha, le juge, poussa Conchobar et Fergus à s’interposer.
« - Accepteriez vous un conseil de ma part ? demanda-t-il aux guerriers. »
Les trois acquiescèrent.
« - Pour ne pas gacher la soirée, nous pourrions diviser le prix entre vous trois, et quant au titre, nous demanderons dès demain le jugement d’Ailil, le roi du Connaught. »
Tout le monde fut d’accord avec sa proposition, et les trois héros se rassirent.

Cependant Bricriu avait assisté à toute la scène depuis sa maison vitrée, et la fin du conflit ne le satisfaisait guère. Il attendit donc une occasion d’envenimer un peu les choses. Bientôt il vit sortir du palais les femmes, qui allaient dehors prendre l’air et laissaient les hommes discuter entre eux à l’intérieur. Il s’approcha de l’une d’entre elle.
« - Que les Dieux soient avec vous, épouse de Laegaire, la salua-t-il. Fedelm au Cœur Pur, votre surnom ne vous rend assurément pas justice, car il n’évoque ni votre beauté, ni votre sagesse, si votre noblesse. Vous êtes de la famille du roi, et la femme du grand héros Laegaire : aucune des femmes d’Ulster ne vous égale. Croyez moi, si cette nuit vous êtes la première des femmes à rentrer dans le palais, cela signifiera que vous serez à tout jamais la première dame d’Ulster. »
Il la laissa, et répéra dans le groupe des femmes Lendabair, la Favorite, fille d’Eoghan, épouse de Conall, et Emer à la Belle Chevelure, fille de Forgall et épouse de Cuchulain. Il parvint à parler aux deux, et leur tint des discours équivalents.
Le moment pour les femmes d'aller rejoindre leurs maris dans la salle arriva. Elles commencèrent par avancer d'un pas plein de dignité, mais arrivées en vue de la maison, elles marchèrent de plus en plus vite et bientôt, relevant leurs robes, elles se mirent à courir. Les gens d'Ulster entendirent le bruit de cette course et, croyant qu'ils allaient être attaqués, se barricadèrent. Dehors, les femmes se mirent à marteler les portes, chacune voulant devenir la première dame d'Ulster, et à l’intérieur les hommes se saisissaient de leurs armes.
« - Attendez ! cria Sencha. Ce ne sont pas des ennemis qui attaquent, mais nos femmes qui se querellent ! »
Mais c’était devenu de telles furies qu’il jugea plus sage de les laisser dehors le temps qu’elles se calment. Il demanda aux serviteurs de fermer à clé toutes les portes, mais Emer était déjà en train de faire le tour du palais pour trouver une ouverture, et elle parvint à coincer son pied dans une porte de service avant que celle-ci ne soit verrouillée. Comme le serviteur essayait tout de même de la fermer, elle appela Cuchulain, et celui-ci vint lui ouvrir la porte. Elle fut donc la première à l’intérieur. Mais les deux autres étaient sur ses talons, et on les arrêta à l’entrée de la salle. En les voyant arriver dans la Conchobar soupira.
« - La nuit va être longue, maugréa-t-il.
- Mais ça ne va pas être une guerre armée que nous allons voir, sourit Sencha, plutôt une guerre de mots. »

Car chaque femme s’était placée sous la protection de son époux, toutes à l'entrée de la grande salle, et elles entendaient bien plaider leur cause. Fedelm au Cœur Pur prit la parole la première.
« - Ma mère était une femme libre et noble, dit-elle, l’égale en rang et en race de mon père. C’est du sang royal qui coule dans mes veines et j’ai été élevée selon cette dignité. On me dit belle et élégante, et j’ai le comportement, le courage et les manières de mon rang. Regardez mon époux, Laegaire, et ce que ses mains rougies par le sang ont fait pour l’Ulster. Il a affronté seul des ennemis aussi forts que cette province, il vous protégè des adversaires et des blessures, il est au-delà des autres héros, car ses victoires sont plus grandes, plus éclatantes que les leurs. Pourquoi ne pourrais-je pas, moi, Fedelm la belle, l’adorable, la joyeuse, être la première à pénétrer dans cette pièce ? »

Mais Lendabair l’écarta et prit à son tour la parole.
« - Moi aussi j’ai de la beauté, du bon sens, et des manières, et je devrais m’avancer dans cette pièce librement, un pas devant toutes les femmes d’Ulster, car mon mari est Conall au grand bouclier, le Victorieux, qui est fier d’aller aux devants des lances dans la bataille, et fier de me revenir ensuite, les têtes tranchées de ses ennemis entre les mains. Il brandit son épée dans les batailles pour l’Ulster, il défend chaque fort de la province et détruit ceux de nos ennemis. Qui oserait nier le courage et les exploits du fils du noble Amergin ? C’est Conall qui mène les héros ! Tous les yeux se posent sur la gloire de Lendabair, pourquoi ne pourrait elle pas entrer la première ?”

Alors Emer parla à son tour.
« - Il n’y a pas de femme qui m’égale en délicatesse, beauté, ou sagesse, pas une seule qui ait autant d’allure, de vivacité, de bon sens, de gentillesse ou de manière que moi. Pas une n’a la joie et la force de l’amour que j’ai, tout l’Ulster me désire. Si j’étais une femme légère, il n’y aurait plus de mari pour aucune d’entre vous demain. Mais mon époux est Cuchulain. Ce n’est pas un faible chien : il y a du sang sur sa lance, du sang sur son épée, et son corps blanc est noir de sang, sa peau douce est parsemée de coups d’épées, il porte les cicatrices de nombreuses blessures. Mais la flamme dans ses yeux est tournée vers l’ouest, il est un grand protecteur, son char est rouge, il combat par-dessus les oreilles des chevaux, par delà le souffle des hommes. Il saute dans les airs comme un saumon, il réalise d’étranges exploits : il a mis à bas des armées entières dans d’apres luttes, il a renversé le cours des batailles, il se réjouit de la terreur des ignorants. Vos grands héros d’Ulster ne sont rien de plus que des brins d’herbe, comparés à mon mari, Cuchulain, il est comme le sang frais et eux comme de l’écume. Quant aux grandes femmes d’Ulster, elles ressemblent à des vaches, et se font menées comme des vaches quand elles sont en présence de l’épouse de Cuchulain. »

Les époux étaient restés derrière leurs femmes, et leurs paroles les avaient considérablement échauffés. Laegaire et Conall s’étaient rués sur le mur de la grande salle, et en brisaient les lourds panneaux de bois afin de ménager une ouverture pour leurs épouses. Cuchulain, lui, était parvenu à soulever le pan de mur opposé, et Emer entra finalement par cette ouverture avec ses suivantes. Cuchulain laissa retomber le mur soudainement, et tout le palais trembla, la grande salle s’inclina et dans sa petite maison Bricriu fut jeté au bas de sa chaise. Il se releva péniblement, se rua dehors et vit son beau palais tout penché. Il se mit à gémir, et se plaignit à Conchobar, mais quand celui-ci ordonna aux guerriers de rendre à la batisse sa bonne inclinaison, pas un ne parvint à la bouger. Bricriu du alors supplier Cuchulain de la remettre en état, mais quand celui-ci essaya il ne réussit pas mieux que les autres. Toute la Cour le regardait, et il se sentit terriblement gêné, mais cela le mit en colère aussi, et son corps se mit à briller : quand il essaya à nouveau, il n’eut aucun mal à la remettre droite.
Le festin pu se poursuivre, mais le problème n’était pas réglé entre les trois héros et leurs épouses, si bien qu’ils décidèrent de se rendre trois jours plus tard chez Ailill et Mebd, souverains du Connaught, afin de les laisser nommer le vrai champion d’Ulster. Après s’être quelques peu querellés sur la façon dont ils s’y rendraient, ils résolurent d’y aller l’un après l’autre dans leur char. Laegaire partit le premier, suivit de Conall, tandis que Cuchulain, moins pressé, amusait les femmes d’Emain de ses étranges prouesses, comme lancer des aiguilles de telle sorte que chacune se bloque dans le chat de la précédente. Mais Laeg s’impatientait et finit par convaincre le jeune homme de prendre la route à son tour.
Cuchulain possédait les deux chevaux les plus rapides que l’on ait jamais vu. C’était de ces bêtes fantastiques qui se meuvent aussi bien dans l’eau que sur la terre ferme, et Cuchulain avait capturé le premier, le Gris de Macha, à sa sortie du lac de Slieve Fuad, et le second, le Noir Sainglain, à sa sortie du lac de Sainglen. Il les avait dressés et maintenant la paire tirait son char sans renâcler. Malgré l’avance que les autres avaient, ils furent presque rattrapés avant d’attendre les murs de Cruachan, la forteresse du roi Ailill. Une course acharnée s’engagea entre les trois chars, et de Cruachan on n’entendait que le tonnerre des sabots de leurs chevaux.

La reine Mebd, alertée par ce bruit, envoya sa fille Findabair à la vue perçante en haut de la tour de guet.
« - Ce que je vois, c’est un char qui approche, cria la jeune femme. Les chevaux qui le tirent sont gris et de grande allure, le char est orné d’argent et ses roues sont noires. Un homme imposant y est assis, avec des cheveux blonds roux et une longue barbe frisée. Son manteau est pourpre et or, son bouclier de bronze est cerclé d’or, et son casque porte d’étranges plumes d’oiseaux.
- Je sais qui il est, assura Medb. Compagnon des rois, foudre de guerre, pourvoyeur de victoires et flamme de jugement, c’est le puissant Laegaire de la Main Rouge, et il pourrait tous nous mettre en pièce si nous ne le satisfaisons pas !
- Un autre char le suit, intervint Findabair. Il est tiré par un cheval rouge rapide comme un oiseau, et un cheval bai de grande force. Le char est orné d’argent et ses roues sont de bronze brillant. Y est assis un homme de grande prestance aux cheveux nattés, au visage blanc et rouge et au manteau bleu et écarlate. Son bouclier est marron avec du jaune et des pourtours de bronze, et il y a des plumes d’oiseaux étranges sur la caisse du char.
- Je sais qui il est, dit encore Medb. Rugissement de lion, flamme acérée, il tranche têtes après têtes et va de batailles en batailles, c’est Conall Cearnach, et il pourrait tous nous briser si nous ne le satisfaisons pas !
- Un troisième char arrive, Mère ! Deux chevaux puissants et rapides le tirent. L’un est gris, fier et de grande allure, et du feu sort de ses naseaux. L’autre est noir, remarquablement fait, avec une tête fine, et il bondit comme s’il volait. Ils avancent comme un nuage de brume poussé par un vent formidable ! Le char est rouge, orné de bronze et avec des roues en fer. Y est assis un homme triste et mystérieux, le plus bel homme d'Irlande, je vois sa poitrine blanche sous sa tunique écarlate attachée par une broche en or, et sous le capuchon de son manteau blanc, ses sourcils sont noirs, et ses yeux brillent de sept couleurs. Il tient une épée veinée d’or, une lance rougie par le sang, et un bouclier décoré d’argent. Son conducteur est un homme grand, très fin, roux et couvert de taches de rousseurs.
- Je sais qui il est. Comme le bruit de la mer en furie, comme une vague dévastatrice, avec la folie d’une bête sauvage en colère, il se jette au cœur de bataille et fond sur ses ennemis, et eux entendent la mort dans ses coups. Il réalise exploit sur exploit et on le célèbre dans les chansons. C’est Cuchulain et il pourrait tous nous réduire en poussière si nous ne le satisfaisons pas ! »

Medb mobilisa tous ses serviteurs pour préparer le palais à accueillir les trois guerriers. Elle vint elle-même à leur rencontre, avec cinquante jeunes suivantes, les salua très royalement et leur souhaita la bienvenue. Les héros demandèrent à parler au roi Aillil, et lui expliquèrent ce qu’ils attendaient de lui. Celui-ci fut inquiet de l’apprendre, car il avait peur de devoir froisser deux des plus redoutables guerriers au monde, mais il ne pouvait pas refuser, car la demande venait de Conchobar et les trois hommes accepteraient sans doute mal qu’il ne veuille pas les départager. Il déclara donc qu’il rendrait son jugement trois jours plus tard, trois jours que les champions d’Ulster étaient invités à passer à Cruachan.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Le Festin de Bricriu Empty
MessageSujet: Re: Le Festin de Bricriu   Le Festin de Bricriu Icon_minitime28/6/2007, 09:24

Le soir même, alors que chaque guerrier s’était retiré dans ses appartements, trois créatures fantastiques qui avaient l’apparence de chats furent libérées de la colline des Sidhs de Cruachan pour les attaquer. En les voyant, Conall et Laegaire s’enfermèrent dans leur chambre, mais Cuchulain tenta de pourfendre le sien. L’épée glissa sur le chat au lieu de le blesser, mais celui-ci se tint alors calmement aux cotés du jeune homme, et Cuchulain passa la nuit sur sa chaise à le surveiller.
Le matin Ailill rendit visite aux trois hommes, constata où ils étaient, devina ce qui s’était passé et demanda s’ils étaient tous d’accord pour donner le titre de Champion des Ulates à Cuchulain. Mais les deux autres ne l’étaient pas.
“- Ce ne sont pas des bêtes que nous combattons, mais des hommes ! protestèrent-ils. »

Medb leur demanda alors d’aller passer la nuit suivante chez son beau-frère Ercol et sa femme Garmna, ce qu’ils acceptèrent. Ils s’en allèrent en faisant la course, et Cuchulain devança les deux autres.
Ercol les accueillit chaleureusement, et les envoya passer la nuit dans la vallée pour en combattre les sorcières. Laegaire partit le premier, mais il ne pu tenir contre elles et revint sans armes ni vêtements. Conall ensuite s’y essaya, mais il fut repoussé hors de la vallée, et y perdit sa lance. Cuchulain enfin descendit dans la vallée, et les sorcières l’assaillirent en hurlant, brisèrent son bouclier, fendirent sa lance, déchirèrent ses vêtements et le firent reculer. Laeg, qui assistait à la scène depuis la colline, l’interpella :
« - Hé, Cuchulain, espèce de lâche ! Pauvre bouffon ! Tu n’as plus aucun courage pour te faire dérouillé ainsi par des sorcières ! »
Ce qui mit Cuchulain en colère, et il se retourna contre les sorcières, et en fit un massacre jusqu’à ce que l’herbe de la vallée soit rouge de sang. Il ramassa alors leurs manteaux, et les ramena à Garmna.
Le lendemain matin, à l’aube, Ercol réveilla les trois guerriers et les défia de le combattre, un par un, dans une lutte à cheval. Ils relevèrent le défi sans discuter, et Laegaire le premier se prépara au combat. Dès qu’il fut à cheval, Ercol le chargea, et son cheval mordit profondément celui de Laegaire tandis que les épées se croisaient. Le cheval essaya bien de se défendre mais la monture d’Ercol était plus forte, il ne parvenait même pas à se dérober et tomba bientôt, tandis que Laegaire était projeté à terre. Ercol sauta de son cheval et maîtrisa Laegaire, tandis que le cheval achevait sans pitié son adversaire. Laegaire n’avait jamais vu un combat se dérouler ainsi et il prit peur. Il se dégagea, et courrut vers son deuxième cheval, qu’il lança au galop sur la route de Cruachan.
Conall ne s’en tira pas beaucoup mieux, et à son tour il du fuir devant Ercol, après avoir perdu son cheval massacré comme le premier.
Il ne restait donc plus que Cuchulain. Il se hissa sur le Gris de Macha, et fit face à Ercol. Contrairement à ses prédécesseurs, le Gris rendit coup pour coup à la formidable monture d’Ercol, et Cuchulain parvenait sans peine à se maintenir sur son dos malgré les sauts et les ruades. Finalement le Gris eut le dessus et donna l’avantage à Cuchulain qui remporta le combat. Il attacha Ercol à son char tandis que Laeg attelait les chevaux, et ils retournèrent à Cruachan.

De la maison d’Ercol, Buan, la fille de Garmna, avait assisté à la scène. Depuis la veille, elle se sentait tomber amoureuse de Cuchulain, et quand celui-ci s’éloigna elle sortit de la maison pour le suivre. Elle perdit bientôt le char de vue, mais elle arrivait à en suivre les traces. Celles-ci ne suivaient pas la route mais filaient droit, traversant les obstacles, car le Gris et le Noir tiraient le char et il n’y avait pas de chemin qui soit impraticable pour eux. Buan constata bientôt que le char était passé par-dessus une ravine, et elle pris son élan pour faire de même. Elle ne parvint pas à se réceptionner correctement, tomba et sa tête heurta violement un rocher. La mort fut instantanée, et cet endroit s’appelle la Tombe de Buan depuis qu’une fille dont l’objet de son amour ignorait jusqu’à son nom mourut là pour avoir voulu le suivre.


A Cruachan, Ailill se heurta une nouvelle fois au refus de Laegaire et de Conall de reconnaître la supériorité de Cuchulain. Il n’osa pas les contrarier plus et se retira dans sa chambre. Medb l’y suivit.
« - Lache ! fit-elle. Si tu n’est pas capable de résoudre le problème, c’est moi qui vais le faire !
- Ca n’est pas facile, et c’est une malchance que d’avoir à le faire ! protesta le roi.
- Ca n’a rien de compliqué ! Laegaire et Conall sont aussi différents que le bronze et l’argent, et Conall et Cuchulain autant que peuvent l’être l’argent et l’or rouge ! »
Elle réfléchit à une façon de rendre son jugement sans se mettre deux des guerriers à dos jusque tard dans la nuit, nuit durant laquelle Laegaire fut rejoint par les suivantes de la reine, Conall par la jeune princesse Sadb Sulbair, et Cuchulain par Findabair.

Le matin du troisième jour, elle convoqua Laegaire.
« - Je vous considère comme le meneur des héros d’Ulster, vous devez donc recevoir le prix du champion, retournez auprès de Conchobar et des gens d'Ulster et montrez-leur ceci en témoignage de notre décision ».
Elle lui tendit alors une coupe de bronze, dont la base était décorée d'un oiseau en or blanc.
Elle fit ensuite appeler Conall, lui dit la même chose, et lui donna une coupe en argent avec un oiseau d'or à sa base.
Enfin, elle convoqua Cuchulain, et Ailill se joignit à elle. Une coupe d'or rouge fut offerte au héros, et l'oiseau ornant sa base était incrusté d'une pierre précieuse inestimable. « Vous êtes le champion des champions, lui dirent le roi et la reine de Connaught, et votre femme Emer est à notre avis la première dame d'Ulster. Retournez près de Conchobar et réclamez le prix.»


Les trois guerriers avaient repris la route séparément. Laegaire se dépécha de rentrer à Emain pour faire valoir ses droits sur le prix et le titre, mais Conall et Cuchulain furent retardés par des événements qui les firent jouer de leurs épées et les retardèrent. Quelle ne fut pas leur surprise en rentrant à Emain, quand tout le monde les salua et les fêta avec bien plus d’entrain qu’à l’habitude ! Ils finirent pas apprendre que Laegaire avait répandu la nouvelle de leur mort, et une violente querelle éclata dès qu’ils lui mirent la main dessus. Ils furent séparés par Sualtim, le père adoptif de Cuchulain. Celui-ci convia la Cour à un banquet de retrouvailles, histoire de calmer les esprits.
« - Pourquoi ne pas laisser un autre héros revendiquer le prix du champion? proposa l'un des gens d'Ulster au cours de la fête. Après tout, si l'un de ces trois là avait été choisi pendant son séjour à Cruachan, il en aurait rapporté une preuve ! »
A ces mots, Laegaire montra sa coupe et réclama le prix de Bricriu.
« - Le prix est pour moi, dit Conall Cernach en exhibant sa coupe, car la mienne est en argent et la tienne n'est qu'en bronze.
- Alors je suis le champion des champions, s'écria Cuchulain. » Et il montra à l'assistance sa coupe d'or rouge ornée d'un oiseau incrusté d'une pierre précieuse.
Conchobar examina les coupes, et déclara que d’après le jugement du roi Ailill, c’était Cuchulain qui recevrait le titre de champion d’Ulster. A ces mots, Laegaire bondit, et accusa Cuchulain d’avoir acheté la coupe, et l’intégrité d’Ailill et de Medb. Cuchulain lui sauta à la gorge, et il fallut que Conchobar se mettre entre eux pour les empêcher de se battre.
« - Ca suffit ! grogna Sencha. Si vous ne pouvez pas vous mettre d’accord après Cruachan, alors allez demander son jugement à Cù Roi de Munster, mais ce sera la dernière fois, et vous devrez vous y soumettre ! »

Les trois acceptèrent partirent pour Munster le lendemain même. Ils firent route sans incident, mais à leur arrivée on leur annonça que Cù Roi était absent. Ils furent reçus par Blanad, la fille de Cù Roi et de la reine Mind, qui leur annonça que son père était au courant de la situation, et qu’il avait laissé des instructions à cet effet. Les trois candidats au titre de champion devraient chacun monter la garde du fort pendant une nuit entière, à leur tour selon leur âge.

Il était de notoriété public que le fort de Cù Roi n’avait pas besoin d’être gardé, car son seigneur l’avait enchanté de telle sorte que chaque nuit, dès le coucher du soleil, le fort se mettait à tourner sur lui-même, et il était impossible d’y entrer pendant ce temps. Laegaire prit cependant la première garde, car il était le plus âgé des trois. A la fin de la nuit, il vit surgir de la mer un horrible géant, qui s’approcha, et chercha à frapper le héros avec une main assez large pour tenir six chevaux. Laegaire l’évita cependant, et lui jeta sa lance, mais sans résultat. Le géant l’attrapa alors, et le jeta en bas de la muraille. On le retrouva le lendemain matin, inconscient et le corps brisé en mains endroits. On supposa qu’il avait voulu sauter de la muraille, pour défier les autres de faire de même, et échoué.

La nuit suivante Conall monta la garde, et on le retrouva dans le même état au matin.

Puis ce fut à Cuchulain. Il eut à faire à neuf assaillants, puis à un serpent géant venu de la mer, mais ni les uns ni l’autre ne lui posèrent de difficulté. Enfin le géant apparut, et il voulu traiter Cuchulain de la même façon que ses aînés, mais au moment où il allait être saisi par la main gigantesque, il sauta, avec cette ampleur qu’il était le seul à atteindre, et atterrit sur la tête du géant qu’il frappa de son épée.
« - Une vie pour une vie, murmura le géant en disparaissant comme de la brume. »
Cuchulain, privé de son perchoir, sauta pour ne pas tomber et atterrit sain et sauf, mais à l’extérieur du fort. Il considéra la muraille, et voulu sauter jusqu’au chemin de ronde, mais c’était trop haut, même pour lui. Il s’énerva alors, et dans une dernière tentative, franchit le mur… et retomba dans la cour, juste devant la porte de la demeure du roi. Blanad ouvrit la porte, et annonça qu’il avait prouvé mériter le titre de champion.
Mais quand les autres reprirent conscience, ils affirmèrent que leur asssaillant devait être un ami de Cuchulain, qui appartenait au monde des Sidhs par son père, et ils ne voulurent pas en démordre. Elle leur demanda alors de rentrer tous les trois à Emain et promis que son père Cù Roi y rendrait son jugement lors de sa prochaine visite à Conchobar.



Il se passa un certain temps à Emain sans que l’on ait de nouvelles de Cù Roi, et les gens commençaient à s’habituer à ne pas avoir la réponse au problème. Un jour que Conchobar et ses gens étaient sur le terrain de sport, un ogre hideux apparut à la porte. Il déclara s’appeler Uath et lança un défi aux guerriers d’Ulster, au jeu de la décapitation.

«- Les règles sont celles-ci, déclara l'ogre, un homme coupe ma tête cette nuit, avec cette hache, et moi je coupe la sienne demain. »

Un défi, même venant d’un ogre, ne pouvait pas ne pas être relevé sans que cela porte un coup à l’honneur de la province toute entière, mais les trois grands héros étaient absents et ce fut un certain Muinremur qui releva le défi. Il trouvait cette histoire de décapitation totalement absurde, et pensait l’ogre fou. Le soir même, celui-ci tendit sa hache à Muinremur, s’agenouilla devant le billot et y posa sa tête. Le jeune homme leva la hache, et l’abatit sur le cou de Uath, lui tranchant net la tête. Et à la surprise générale, l'ogre se leva, prit sa tête et s'en alla, sa tête disant qu'il reviendrait le lendemain.


Le soir suivant, il revint, mais Muinremur était introuvable. L’ogre commença à protester que c'était un outrage, et à mettre en doute la parole des hommes d’Ulster. Laegaire, qui était rentré dans la journée, intervint alors, et rétorqua qu’il relèverait le même défi que Muinremur. L’ogre accepta, et il se passa la même chose que la veille, Laegaire décapita l’ogre mais celui-ci repartit sa tête entre les mains.

Toute la journée du lendemain, Laegaire sentit sa peur grandir, jusqu’à ce qu’il ne soit plus capable de la supporter, et il alla se cacher à l’extérieur d’Emain. Quand l’ogre arriva pour le décapiter, personne n’était capable de dire où il était. Uath se mit en colère, jurant qu’il n’y avait pas un seul homme de parole dans tout l’Ulster. Conall, qui était revenu peu de temps auparavant, ne pu supporter l’insulte et s’avança vers l’ogre. Il proposa à son tour de reprendre le défi. L’ogre y consentit, et tout se passa comme les fois précédentes. Conall ne tarda pas à se maudire d’être intervenu, sacrifiant sa vie à coup sûr et sans moyen de se défendre, et finalement il s’enfuit aussi.


Quand Uath revint à Emain pour la troisième fois, il ne trouva pas Conall, mais Cuchulain qui venait de rentrer et avait été mis au courant de la situation. Il proposa à son tour de relever le défi.

« - Et je suis censé croire que ta parole vaux plus que celle des autres ? se moqua Uath.

- Accepte ou n’accepte pas, moi, je vais remplir ma part du marché ! déclara Cuchulain. Et toi, craints la mort ! »

Il saisi la hache et se précipita sur Uath. Non seulement il lui coupa la tête, mais il abatit la hache de nombreuses fois, réduisant le corps en morceaux. Mais ça ne changea rien au fait : les morceaux se ressemblèrent, et l’ogre quitta Emain.

Toute la journée du lendemain, les hommes d’Emain observèrent discrètement Cuchulain pour voir s’il allait s’enfuir comme les autres. Mais il resta là, triste, abattu, mais sans velléité de fuite. Comme le soir approchait, il alla faire ses adieux à Conchobar. Et Uath fut bientôt de retour, réclamant Cuchulain bien fort.

« - Je suis là ! fit le jeune homme en s’avançant lentement. »

Uath le regarda avec attention.

« - C’est à toi que s’applique tes paroles d’hier, remarqua-t-il. Grande est la peur qui est en toi. Mais malgré cette peur, tu ne m’as pas failli. »

Cuchulain s’agenouilla devant le billot.

« - Puisque je suis aussi tourmenté, dit-il, mets y fin rapidement. Je ne t’ai pas fait attendre, la nuit dernière… »

Il posa la tête sur le billot et écarta ses cheveux de sa nuque. Uath leva sa hache, et l’abattit avec un sifflement terrible. Mais c’est le sol que la lame heurta, sans toucher Cuchulain. Et quand tous les hommes présents regardèrent Uath, c’est Cù Roi qu’ils virent, aussi humain que n’importe lequel d’entre eux.

« - Relève toi, Cuchulain, dit-il. De tous les héros de l’Ulster, quelle que soit leur valeur, il n’y en a pas un qui puisse t’être comparé. Le titre de Champion des héros d’Irlande te reviens, et le prix, et pour ton épouse la première place parmi les femmes d’Ulster. Quiconque te le contestera, et je le jure par les serments de mon peuple, verra sa vie en grand danger. »

Et il quitta Emain sur ces mots. Personne n’osa y redire quoi que ce soit, et c’est ainsi que prit fin la guerre des mots des femmes d’Ulster, et la querelle entre les héros pour le titre de Champion d’Ulster.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
 
Le Festin de Bricriu
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Rôles et Légendes :: L'univers mythologique :: Europe celtique :: Irlandaise-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser