Rôles et Légendes
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Rôles et Légendes


 
AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -15%
-15% Apple MacBook Air 13” 16Go RAM / 256Go SSD ...
Voir le deal
1299 €

 

 Légendes de 41 à 50

Aller en bas 
AuteurMessage
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 10:58

Les Iles des Immortels


PARTIE I

Dans l'océan sans fin, des milliers et des milliers de fleuves se jettent jour et nuit. On dit que même l'eau de la Voie Lactée se déverse dans la mer. Pourtant, les eaux de la mer n'augmentent ni ne diminuent. L'océan n'est jamais à sec ni jamais comblé. Pour quelle raison ?

Une légende raconte que dans le fond de la mer, à des milliers de "li" à l'est de la mer Bohai, s'ouvre un gouffre immense nommé Guixu, qui signifie le "lieu du retour". Les eaux de la mer s'y précipitent au même rythme que les eaux des fleuves en son sein , et l'océan n'est ainsi jamais comblé.

Non loin de ce gouffre flottaient cinq îles montagneuses: Daiyu, Yuanqiao, Fanghu, Yingzhou et Penglai. C'était le îles des Immortels.

Les montagnes étaient si hautes que pour en atteindre le sommet, il fallait marcher 30 000 "li". Chaque sommet était surmonté d'un grand plateau d'un périmètre de 9 000 "li". Les cinq îles s'alignaient dans la mer, distantes chacune de 70 000"li". De loin on pouvait les voir apparaître et disparaître dans les volutes des "nuages de bon augure" qui entouraient les îles.

Par temps clair, on distinguait parfois de magnifiques pavillons et de somptueux Palais où vivaient les Immortels. Tous les pavillons et Palais étaient en or ou en jade; tous les oiseaux et les animaux insulaires étaient d'une blancheur immaculée.

Dans les montagnes poussaient des fleurs et des fruits rares. L'arbre des Merveilles, notamment, donnait des fruits particulièrement savoureux qui rendaient immortel celui qui en mangeait. Les Immortels qui habitaient là étaient les descendants de l'Empereur Céleste. Ils pouvaient se déplacer dans les airs à la vitesse du vent.

La distance entre les cinq îles ne présentait aucune difficulté pour eux. En un jour, ils pouvaient couvrir plusieurs fois le trajet de 70 000 "li" séparant les îles.

Cependant, bien que ces montagnes fussent très grandes, elles n'avaient aucun appui et flottaient au gré des flots comme cinq grands radeaux. Cela inquiétait beaucoup nos immortels qui craignaient de dériver vers l'Extrême-Occident, une région froide et sombre, où il n'y avait ni soleil ni lune. Seul un vieux Dragon tenant une bougie dans sa bouche hantait les lieux. On comprend aisément leur angoisse.

Un jour, ils s'en plaignirent à l'Empereur Céleste. Après avoir écouté leurs doléances, celui-ci ordonna à son ministre Yu Jiang, le génie des mers, de résoudre le problème...

PARTIE II

Yu Jiang envoya cinq tortues géantes porter les montagnes et les immobiliser. Pour leur éviter une fatigue et un ennui excessif, il les divisa en trois équipes de 15 tortues, chaque équipe travaillant 60 000 ans.

Cela ne faisait pas vraiment leur affaire, mais c'était un ordre de l'Empereur Céleste, et elles furent obligées de s'exécuter. Immobiles, elles portèrent les montagnes qui, dès lors, se fixèrent solidement dans la mer. Vent et vagues ne purent les déplacer et les immortels se sentirent plus en sécurité.

Mais, dans la vie des immortels comme dans celle des hommes, survient parfois l'imprévu. A 46 000 "li" des rives de la mer orientale se dressait le mont Pogu, au pied duquel s'étendait le pays des Dragons. Les habitants de ce pays avaient tous la taille d'un grand arbre.

Chaque jour, ils capturaient de grands poissons et des tortues géantes pour se nourrir. Un jour, quelques géants qui pêchaient au bord de la mer virent au loin les tortues géantes surnager, la tête hors de l'eau. Ils traversèrent à gué la distance qui les séparaient des tortues et lancèrent leurs lignes.

Les tortues, qui portaient de lourdes montagnes et n'avaient pas mangé depuis plusieurs milliers d'années, avaient grand faim. Deux d'entre elles ouvrirent toute grande leur bouche et avalèrent avidemment les appâts. Prises au piège, elles furent tirées sur la plage, laissant les deux montagnes partir à la dérive.

Les géants en firent un excellent repas. Avec les os, ils firent des jetons de calcul; avec les carapaces, ils fabriquèrent des abris pour se protéger du vent et de la pluie.

C'est alors qu'arriva la catastrophe. les deux îles Daiyu et Yuanqiao, à la merci des vents et des courants, dérivèrent jusqu'en Extrême-Occident et tombèrent dans le gouffre sombre de Guixu.

Lorsque l'Empereur Céleste apprit la nouvelle, il entra dans une colère noire. Pour punir les géants, il diminua leur territoire et réduisit leur taille. Néanmoins, bien qu'ils fussent plus petits qu'auparavant, ils mesuraient encore quelques mètres; mais ils ne pouvaient plus pêcher de tortues géantes.

Dès lors, il ne resta plus que trois îles : Fanghu, Yingzhou et Penglai...

PARTIE III

A l'époque des Royaumes combattants (475 - 221 avant notre ère), les souverains des états de Qi et Yan entendirent parler des fruits d'immortalité poussant dans les îles des Immortels. Ces rois avides jouissaient déjà de toutes les richesses du monde extorquées au peuple; il ne leur manquait que la certitude d'en jouir indéfiniment.

Ils firent fabriquer des centaines de bateaux et envoyèrent des explorateurs à la recherche des îles des Immortels. Mais aucun bateau ne revint. Au dire de quelques survivants, ils avaient bien aperçu au loin les trois îles alignées sur la mer comme trois nuages blancs, mais quand ils s'en étaient approchés, elles avaient brusquement disparu.

Des vents violents les avaient obligés à rebrousser chemin. Nul ne saura jamais si ces témoignages sont authentiques. Toujours est-il que les rois se succédèrent et moururent les uns après les autres.

L'Empereur Shihuangdi des Quin, après avoir unifié la Chine en 221 avant notre ère, voulut lui aussi jouir éternellement de sa vieillesse. Il envoya ses intendants dans la région des monts Huiji, près de Hangzhou, organiser des dizaines de milliers de travailleurs dans la construction de milliers de bateaux.

De tous les navires qui furent envoyés à la recherche des fruits d'immortalité, aucun ne revint. L'Empereur Shi Huangdi, maître de la Chine, qui croyait que rien qui existât dans le monde ne pût lui appartenir, mourut à son heure, comme le commun des mortels.

Sous le règne de l'Empereur Wu Di des Han, un devin nommé Li Shaojun confia un jour à son souverain qu'au cours de l'un de ses voyages en mer, il avait vu un Immortel nommé An Qisheng manger une sorte de jujube, qui devait être le fameux fruit d'immortalité. Aussitôt, l'Empereur ordonna de construire des bateaux et de les envoyer à la recherche de ce fruit.

Mais le temps passa, et aucun ne revint. A cette époque, de nombreux prétendus devins n'étaient que des escrocs; ils passaient leur temps à raconter des boniments pour extorquer l'argent des Rois.

Ainsi les légendes foisonnent-elles sur ces fameuses îles des Immortels, sans que jamais personne ait pu prouver leur existence.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:00

La Caverne du Singe


PARTIE I

Le printemps, c'est la plus belle saison au bord du lac de l'Ouest. La tendre verdure des saules et des peupliers se marie avec les bouquets roses des pêchers en fleur.

Les pélerins, venus de tous les coins du pays, ne cessent d'affluer. A la porte du Temple Lingyin surtout l'atmosphère est très animée: C'est une sorte de symphonie de rires, de cris et de bruits divers.

Un jour, pour la Fête de Quingming, le magistrat de Hangzhou, désirant lui aussi faire une excursion au bord du lac de l'Ouest, quitta en grande pompe son domicile pour se diriger vers le Temple Lingyin.

Au pied du "Pic volant" se pressait une foule de gens, il ordonna alors à ses serviteurs de lui frayer un passage pour voir de quoi il s'agissait.

Quand il eut réussi à approcher, à sa grande surprise, il vit un moine et un singe en train de jouer aux échecs. Il lui vint aussitôt l'envie de faire aussi une partie.

Le magistrat était un amateur d'échecs qui, grisé par les louanges des flatteurs, s'estimait supérieur à tous les joueurs contemporains. Dès qu'il voyait les autres jouer, il ne tenait plus, il fallait qu'il fasse une partie. Aussi, chassant le singe d'un coup de pied, s'assit-il en face du moine, voulant faire montre de son "talent" aux yeux du public.

Le moine, en homme avisé, sachant que tous les magistrats avaient un amour propre très chatouilleux, le laissa gagner exprès en sacrifiant quelques pièces. Mais le magistrat, qui en réalité s'y connaissait assez mal, fut enchanté de passer pour un joueur invincible.

Très content de lui, il éclatat d'un rire plein de dérision en quittant son siège. Devant l'attitude orgueilleuse du magistrat, le moine songea:
"Pour ménager ton amour-propre, je t'ai exprès laissé gagner la partie, mais je n'aurais pas pensé que tu te moquerais de moi!"

Alors, il se mit lui aussi à rire aux éclats...

PARTIE II

Stupéfait, le magistrat s'écria:
- Moine insensé, tu as perdu la partie, comment as-tu encore le coeur à rire ?

Le moine lui répondit:
- Vénérable magistrat, à brave, brave et demi ! Voulez-vous faire une partie avec mon maître ?

Le magistrat se hâta de lui demander:
- Où est-il ? Aurait-il l'audace de jouer avec moi ?

- Le voilà, répondit le moine en désignant du doigt le Pic volant.

Levant la tête, le magistrat vit un singe en train de batifoler sur un arbre, puis dit avec indifférence:
- Eh bien, c'est un singe ! je n'aurais jamais cru cela !

Bon, dis-lui de descendre pour faire une partie avec moi !

Le moine se tourna vers le pic et frappa dans ses mains, alors, d'un seul bond, le singe se trouva auprès de lui, fixant son adversaire orgueilleux de ses yeux étincelants.

Sur un signe du moine, le singe prit sa place et se mit à jouer avec le magistrat qui n'était pas de force à se mesurer avec l'animal. Le jeu à peine commencé, le magistrat se trouva en mauvaise position et rougit jusqu'aux oreilles.

A voir sa mine défaite, les spectateurs ne purent s'empêcher de rire à la dérobée. Le magistrat, très vexé, déclara alors en se raclant la gorge:
- Cette partie ne compte pas ! il faut en recommencer une autre, le singe n'a pas respecté les règles !

A la fin de la deuxième partie, le magistrat avait encore perdu. La sueur coulait sur son front; tantôt il pâlissait et tantôt rougissait.

Voyant que le magistrat, qui s'estimait le premier joueur du monde, avait été vaincu encore une fois par le singe, les assistants éclatèrent tous de rire en même temps.

PARTIE III

A perdre la face ainsi en public, le magistrat, livide, devint fou de rage, il se leva promptement, jeta les pièces et le damier par terre en glapissant:
- Attrapez vite cet animal! Fouettez-le sans merci!

Sur l'ordre du magistrat; les serviteurs s'élancèrent tous vers le singe. Le moine comprenant qu'il allait arriver malheur à la bête, lui donna une petite tape sur la tête en murmurant "Sauve-toi vite !".

Obéissant à l'ordre de son maître, le singe fila comme une flèche sur le sommet du pic en poussant des cris perçants. Les serviteurs le poursuivirent jusque-là, mais en vain. Le singe bondissait avec agilité d'arbre en arbre, les serviteurs ne pouvaient que le regarder de loin, impossible de l'attraper.

Après un long moment dépensé en vains efforts, le magistrat, resté au pied du mont, tout tremblant de colère, gronda:
- Mettez le feu aux arbres ! Brûlez-le vivant !

Le feu à peine allumé, le singe sauta prestement de l'arbre et se glissa dans une caverne avec un cri mélancolique. Les serviteurs se hâtèrent de le poursuivre jusque dans la caverne, mais ils n'y trouvèrent rien que des parois de pierre. Ils en sortirent tout penauds, disant que le singe avait disparu.

Mais le magistrat ne les crut pas, il voulut aller voir par lui-même. Comme il pénétrait dans la caverne, il lui sembla apercevoir le singe et se jeta de toutes ses forces sur lui. Mais au lieu de saisir l'animal, il alla se casser le nez en se heurtant à la pierre.

Le magistrat, ne sachant plus que faire, dut s'en retourner piteusement chez lui, couvrant de ses mains son nez cassé.

Depuis qu'il s'était réfugié dans la caverne, le singe ne se montrait que lorsque le moine l'appelait en frappant dans ses mains. Mais quelque temps après, le moine mourut, et le singe disparut totalement en même temps que son maître.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:01

La Montagne du Phoenix


PARTIE I

Il y a bien longtemps habitaient, au pied d'une montagne située au sud du Lac de l'Ouest, un jeune paysan nommé Chunsheng et sa petite soeur du nom de Qiugu. Leurs parents leur avaient laissé pour tout héritage deux mous de terre à ferme et une chaumière croulante.

Levés de bonne heure et rentrés tard le soir, ils travaillaient assidûment aux champs dans l'espoir de produire plus de céréales. En automne, lorsqu'elles commençaient à mûrir, le propriétaire foncier venait réclamer ses fermages. Après les avoir payés, il ne restait aux jeunes paysans que très peu pour vivre. N'ayant aucun moyen de se tirer d'affaires, ils menaient une vie dure, se contentant de gruau de riz à chaque repas.

Un jour, à la veille du Nouvel An, il tombait une neige épaisse accompagnée d'un vent violent. Chez le propriétaire foncier, la table était garnie des mets les plus fins: poulet, canard, poisson et viande. Chez notre Chunsheng, il ne restait qu'un petit bol de riz. Qiugu en fit un bol de bouillie et le passa à son frère qui le refusa:
- Je n'ai pas faim, prends-le, petite soeur !

Qiugu à son tour repoussa le bol:
- Moi non plus, prends-le, frère!

Aucun des deux ne voulait céder et prendre le bol de bouillie.

Dehors, la neige tombait à gros flocons accompagnée de l'effroyable sifflement de la bise. Dans les tourbillons de neige avançait une vieille mendiante aux cheveux grisâtres, couverte de haillons. Elle s'appuyait sur une béquille et chancelait à chaque pas tout en criant:
- La bise siffle dans le ciel, la neige blanchit la terre! Gens charitables, ayez pitié de moi, sauvez une pauvre vieille!

Sa voix enrouée traversa la porte de la chaumière et vint jusqu'aux oreilles de ses habitants. Qiugu dit:
- Grand frère, entends-tu, elle fait pitié!

Chunsheng proposa:
- Petite soeur, nous allons la faire entrer pour qu'elle se mette à l'abri du vent et de la neige.

Ceci dit, il ouvrit la porte et accueillit la vieille dame dans la pièce. Qiugu s'empressa d'épousseter la neige sur ses habits. Puis Chunsheng lui donna le bol de bouillie à boire.

Ainsi la vieille dame passa tranquillement la nuit dans la chaumière.

PARTIE II

Le lendemain, après la neige, c'était le beau temps; la vieille dame vint leur dire au revoir. Au moment du départ, elle offrit comme cadeau un morceau de satin blanc à Qiugu:
- Jeune fille, dit-elle, brode-le de tes mains habiles, puisque vous êtes à la fois travailleurs et bienveillants, un avenir heureux vous est promis.

En la recevant, Qiugu vit que sur l'étoffe était dessiné un motif représentant un phoenix.

Depuis lors, elle se mit à broder jour et nuit. Avec des fils de soie rouges, elle fit la tête du phoenix, avec des fils de soie noirs, les yeux, avec des fils de soie dorés, les ailes, avec des fils de soie diaprés, la queue. Elle ne s'arrêtait jamais de travailler...

Une fois elle se piqua le doigt et une goutte de sang tomba sur l'étoffe; alors à la place de la tâche de sang elle broda un soleil rouge entouré de nuages moutonnant. Après un travail asidu du printemps à l'été, la broderie était achevée.

Comme ce phoenix brodé était beau! Il avait la tête levée vers le soleil rouge et son plumage lumineux et multicolore éblouissait les yeux, on eût dit qu'il était vivant.

Après avoir accroché le phoenix brodé au mur, nos deux héros se plaisaient à le contempler, et plus ils le regardaient, plus ils l'aimaient.

Un soir, il se passa une chose curieuse. Vers minuit, Qiugu qui s'était réveillée vit toute la chambre envahie de lueurs dorées, tandis que le phoenix descendait du panneau de soie. Elle se dépêcha de réveiller son frère et ils observèrent silencieusement.

Après avoir fait la navette dans la chambre, le phoenix, environné de lueurs d'or, vint reprendre sa place sur le morceau de satin.

Le lendemain matin, Qiugu, en balayant la chambre, découvrit par terre un oeuf d'or de phoenix. Ils le vendirent un bon prix et achetèrent quelques mous de terre et un boeuf.

PARTIE III

Le proverbe dit: Une bonne nouvelle a tôt fait de se répandre à mille lis. Bientôt, le sous-préfet eut vent de l'histoire du phoenix brodé. Il pensa:
"Le phoenix du panneau de soie peut pondre des oeufs d'or, c'est justement le trésor dont je rêve !" Et il fit alors appeler Chunsheng et lui dit:
- Je te fais la faveur d'acheter ton panneau de satin avec le phoenix au prix de 300 onces d'argent!

Chunsheng refuse catégoriquement:
- Non, jamais de la vie ! C'est ma petite soeur qui s'est donné tant de peine pour le créer!

En entendant ces paroles, le sous-préfet, le visage renfrogné, tape lourdement sur la table en vociférant:
- Fripon ! Cela appartient au trésor impérial, il est impossible qu'une pauvre paysanne puisse faire une broderie pareille!

Sans pouvoir se défendre en justice, Chunsheng est accusé d'avoir volé un objet du trésor impérial et il est incarcéré. Le sous-préfet ordonne à ses laquais d'aller chez Chunsheng pour s'emparer du phoenix brodé.

Une fois en possession du panneau brodé, le sous-préfet est fou de joie. Il s'émerveille à sa vue et rit à gorge déployée, il en oublie même de déjeuner. Le soir, renversé dans un fauteuil il attend que le phoenix ponde l'oeuf d'or.

Quand vient minuit, le phoenix brodé jette soudain des éclats éblouissants qui illuminent toute la pièce. Le voilà qui descend du panneau. Croyant qu'il va pondre, le sous-préfet se carre dans son fauteuil pour mieux voir. Mais, chose inattendue, le phoenix furieux se précipite sur lui et le crible de coups de bec. Fou de douleur, il se roule par terre en hurlant:
- A moi! Au secours!

A ses appels, les valets accourent, mais d'un coup d'aile, le phoenix s'envole par la fenêtre, et se dirige vers la montagne. Les valets relèvent leur seigneur: il a le visage poissé de sang et l'oeil gauche crevé.

Ses terribles souffrances ne font qu'exacerber l'ambition du sous-préfet de s'emparer du précieux phoenix. Il se dit:
"La jeune fille a été capable de broder un phoenix, il est bien certain qu'elle pourra en faire un autre."

Alors, il fit appeler Qiugu et lui promit que si elle brodait un autre phoenix, son frère serait libre. Pour sauver son frère elle y consentit. On lui rendit le panneau de satin, elle le broda de fil en fil, au bout de trois mois, le travail était terminé, il ne restait que les yeux à broder. Elle promit au sous-préfet d'achever son oeuvre à condition que son frère soit relâché tout de suite.

Son frère ayant recouvré la liberté, Qiugu continua la broderie. Doté de ses yeux, voilà que le phoenix, aux ailes déployées, descend du panneau et, emportant sur son dos le frère et la soeur, s'envole vers la montagne où il habite; en un instant, ils ont disparus.

Par la suite, on appela la montagne où le phoenix s'était réfugié avec le frère et la soeur "la Montagne du Phoenix".
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:02

Le Bambou du Jilongshan


PARTIE I

L'ombrelle de soie du Lac de l'Ouest s'ouvre comme un paon qui fait la roue. Elle devient une canne ronde qui se divise en trente-deux tiges mobiles lorsqu'elle se referme. Elle s'ouvre et se ferme très facilement. Le genre de bambou qui en forme l'armature est originaire du Jilongshan.

Le Jilongshan se trouve sur le cours inférieur du Fuchunjiang. Au milieu du fleuve, en face du Jilongshan, il y a une barre alluviale qui s'appelle Dongzhousha. Dans des temps très anciens, le Jilongshan n'existait pas et Dongzhousha était isolé au milieu du fleuve. Toutes sortes de fleurs éclatantes y poussaient en toutes saisons, sous la brise, les saules se balançaient sur l'onde calme, le tout formait un paysage vraiment magnifique.

Un jour, la jeune fille à la Poule d'Or, Princesse du pays des oiseaux, arriva dans Dongzhousha et y éleva un millier de poules d'or. Les poules d'or, au plumage resplendissant et multicolore conduites par leur Princesse, cherchaient chaque jour leur nourriture dans les fourrés et venaient s'ébattre sur la grève du fleuve.

Une année, à la fête de la mi-automne, la jeune fille à la Poule d'Or fut invitée à un banquet dans le Palais de Baoxiao. Après le banquet, comme la lune était déjà haute dans le ciel, chevauchant une poule d'or, elle s'envola avec ses oiseaux.

Arrivée au dessus du Fuchunjiang, en baissant la tête, elle regarda le paysage: Ah! Les lampes des deux rives se reflétaient dans le fleuve, et le Fuchunjiang offrait un tableau magnifique qui la ravissait.

Soudain, elle entendit de loin quelqu'un pleurer, alors elle ordonna à ses poules d'or de descendre rapidement du ciel, et elle s'avança elle-même sur les marches de pierre dans la direction du bruit.

Sous la lune embrumée, elle vit un homme assis au bord de l'eau, tête basse, et qui pleurait tristement. La Princesse s'approcha et l'appela doucement:
"Oncle, oncle!..." Mais l'homme se leva soudain et se jeta dans le fleuve.

Etonnée, la jeune fille à la Poule d'Or fit un signe de la manche pour demander à ses oiseaux de sauver l'homme immédiatement. A l'appel de leur maîtresse, les poules d'or déployèrent leurs ailes, firent trois tours sur la surface d'eau et plongèrent. Quelques instants après, l'homme était sauvé.

PARTIE II

L'homme avait les mâchoires contractées et le teint livide, il semblait prêt à rendre le dernier soupir. En voyant cela, la jeune fille à la Poule d'Or fit apparaître un nuage léger; elle s'installa sur son extrémité et demanda à ses oiseaux d'emporter l'homme sur leur dos. Ensemble ils traversèrent le fleuve et retournèrent à Dongzhousha.

La Princesse fit étendre l'homme sur un tapis de plume, choisit trente-six poules d'or pour le réchauffer de leur corps et recueillit un bol de miel de fleur de pêcher pour le nourrir. Il revint enfin à lui le lendemain matin. Il se confondit en remerciements; il s'appelait Qiu Bao, sa famille habitait dans le Qiujiabu, sur la rive nord du fleuve. Il avait voulu mourir, parce que sa famille venait d'être ruinée par un incendie.

La jeune fille à la Poule d'Or l'écouta attentivement et crut tout ce qu'il disait. Compatissant de tout son coeur à son malheur, elle lui donna un oeuf d'or.

Qiu Bao prit l'oeuf et s'agenouilla pour la remercier. La jeune fille à la Poule d'Or le releva et demanda aux poules d'or de l'accompagner jusqu'à la rive nord.

Mais en réalité, tout ce que Qiu Bao avait dit n'était que mensonge. Il détestait le travail, aimait la vie facile et le jeu. En dette de jeu avec un neveu, son voisin, celui-ci le gourmandait et le frappait souvent parce qu'il était incapable de s'acquitter. La veille au soir, il avait fui devant les coups.

Ayant entendu quelqu'un appeler, il avait cru que c'était son neveu qui arrivait et, de frayeur, s'était jeté dans le fleuve. Il avait eu la chance d'être sauvé par la jeune fille à la Poule d'Or et encore de se faire donner un oeuf d'or.

De retour sur la rive nord, il songea que les poules d'or pondaient beaucoup d'oeufs, et il désira s'en faire donner d'autres. Le lendemain matin, il se frappa le visage de manière à se marquer la figure, puis il lacéra ses vêtements, se banda la jambe et chercha un petit bateau pour traverser.

Il arriva en boitant à Dongzhousha, s'agenouilla devant la Princesse en pleurant à chaudes larmes:
- Hier soir, j'ai rencontré des brigands, on m'a volé mon oeuf d'or et on m'a roué de coups, dit-il. Emue de le voir dans ce triste état, la jeune fille à la Poule d'Or lui donna un autre oeuf d'or, Qiu Bao le prit et partit en remerciant.

PARTIE III

Alors Qui Bao alla à Dongzhousha tous les trois jours. Au début, il réussit à escroquer chaque fois un oeuf d'or, puis la Princesse finit par découvrir son manège. Elle ne lui donna plus rien et lui conseilla:
- Il faut travailler pour être un homme.

Désespéré, Qui Bao rentra les mains vides et rumina de perfides desseins:
"On dit souvent que l'homme doit avoir un coeur de fer! Si je me saisis de toutes les poules d'or de Dongzhousha, je serai l'homme le plus riche du monde."

Alors Qiu Bao ayant rassemblé de nombreux vanniers se cacha avec eux dans une haute montagne où ils consacrèrent six mois à la confection d'une cage pour les précieuses poules. Cette cage était grande et haute; elle pouvait s'ouvrir et se fermer par un déclic qui faisait tomber ou se relever un rideau de bambou.

Un jour, Qui Bao plaça la cage à poules grande ouverte sur la grève de la rive nord. elle était tendue d'étoffe rouge et verte. Il se rendit ensuite à Dongzhousha où il prétendit que pour remercier du secours apporté et des oeufs d'or, il avait construit un "Palais de la Poule d'Or" sur la rive nord. Aujourd'hui, il avait préparé de bons plats et des vins fins pour inviter la Princesse et toutes les poules d'or.

Touchée par l'amabilité de Qiu Bao, la jeune fille à la Poule d'Or ne voulut pas refuser, et se décida alors à aller voir le "Palais" avec ses oiseaux. Qiu Bao demanda à des amis de frapper sur les gongs et de battre du tambour; lui, il se prosternait tous les trois pas pour engager ses invitées à manger.

Soudain, avec un bruit sec, le rideau de bambou se ferema, Qiu Bao avait appuyé sur le déclic. La Princesse et les poules d'or étaient enfermées dans la cage.

PARTIE IV

La jeune fille demanda avec colère:
- Qu'est-ce que tu fais, Qiu Bao?

- Je vous le dis franchement: dès maintenant, vous me servirez toute votre vie, dit-il en ricanant.

La Princesse comprenait tout maintenant, cependant elle fit mine de ne pas se fâcher:
- Qiu Bao, je sais maintenant quel genre d'homme tu es. On est toujours puni quand on fait le mal. Je te conseille d'abandonner tes desseins immédiatement.

- Ha! Ha! Tu es ma servante, mon esclave; si tu veux rester en vie, tu dois demander tout d'abord à toutes les poules de pondre pour moi, dit Qiu Bao en roulant des yeux féroces.

- Je serai franche également, dorénavant, tu n'obtiendras plus un seul oeuf, dit la jeune fille.

Qiu Bao menaça:
- Je vais tuer les poules pour prendre leurs oeufs d'or.

- Essaie un peu! dit la Princesse avec mépris.

Qiu Bao était déconcerté: Si j'ouvrais la cage, se dit-il, la jeune fille et les poules s'enfuiraient certainement. Alors je vais tout d'abord tuer la fille.

Il prit son arc et ses flèches, encocha une flèche et visa.
Une, deux, trois... Il décocha une trentaine de flèches de suite, mais la jeune fille les arrêta dans sa main. Qiu Bao fouilla dans son carquois, il était vide.

Elle dit alors:
- En as-tu encore?

Qiu Bao commença à se troubler. En voyant les flèches dans la main de la Princesse, il eut un frisson de peur.

A ce moment même, la jeune fille agita légèrement la manche de son vêtement, un éclair d'or passa, et la cage s'évanouit en fumée noire. Qiu Bao maintenant songeait à fuir. La jeune fille fit un cordon de ses tresses en souriant, attacha ensemble les pointes des trente-deux flèches et les lança vers le ciel.

Les empennes s'ouvrirent et formèrent une sorte de couvercle conique qui descendit rapidement en vrille et fint par recouvrir Qiu Bao.

PARTIE V

Qiu Bao se cogna un moment contre les parois, puis se prosternant:
- Jeune fille à la Poule d'Or, aie pitié de moi, grâce!

- Je peux porter secours aux gens, mais je ne fais pas grâce de la vie; tu comprendras plus tard, dit la jeune fille.

Ensuite, la Princesse demanda à toutes les poules d'or de voler vers la haute montagne et le fleuve pour prendre dans leur bec des grains de sable et elles les jetèrent sur la tête de Qiu Bao.

Jour après jour, mois après mois... Une petite montagne finit par s'élever sur les lieux. Elle était en forme de cage pour les poules précieuses parce que les trente-deux flèches y étaient enterrées. C'est pourquoi on l'appela le Jilongshan.

Depuis lors, la jeune fille à la Poule d'Or quitta définitivement Dongzhousha avec ses oiseaux et ne revint jamais.

Un an après, un jeune bambou avait poussé sur le Jilongshan; c'était la pousse des flèches. Les bambous se multiplièrent d'année en année. Quelques années plus tard, le mont était couvert d'une forêt de bambous.

Avec les années, les bambous du Jilongshan poussèrent de plus en plus serrés; ils étaient hauts et droits. Chose extraordinaire, quand on coupa pour la première fois les bambous, si on jetait avec force les tronçons par terre, ils se fendaient aisément en trente-deux parties égales.

Avec le temps, la forêt s'éclaircit quelque peu à force de couper les bambous, et leur propriété de se scinder en trente-deux parties disparut peu à peu. Mais ils gardèrent cependant le caractère de se fendre facilement.

Avec cette matière, on fabrique encore aujourd'hui l'armature des ombrelles de soie du Lac de l'Ouest.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:02

Le Magistrat et les Eventails


PARTIE I

Su Dongpo venait d'être nommé magistrat à Hangzhou. Depuis que cette nouvelle s'était répandue, chaque jour, les gens s'attroupaient devant la porte du Yamen dans l'espoir de voir l'affiche rouge où serait inscrite la date de son arrivée, et d'entendre les trois coups de canon qui salueraient Su Dongpo au moment où il monterait sur l'estrade du tribunal...
Mais, ils avaient attendu en vain plusieurs jours de suite.

Un jour, deux homme se querellèrent puis se précipitèrent vers le Yamen, ils frappèrent avec force le tambour placé devant la porte, criant qu'ils voulaient porter plainte en justice, un huissier les apostropha:
- Le Seigneur n'est pas encore arrivé, revenez dans deux jours!

Fous de colère, les deux hommes persistaient à vouloir forcer l'entrée du Yamen, en repoussant le gardien.

A ce moment-là, un homme barbu au visage basané, une coiffure de tissu sur la tête, portant une robe de taoïste, assis à califourchon sur un âne, apparut devant le mur-écran du Yamen. Il criait:
- Laissez-moi passer, je suis en retard.

Le petit âne traversait la foule, avançant tout droit vers la cour du Yamen, l'huissier n'eut pas le temps de le rattraper par la queue, et l'homme sur sa monture entra dans la cour.

L'homme attacha l'âne sur un pilier de la galerie, monta dans la salle et, en quelques pas, alla se placer au milieu sur le fauteuil recouvert d'une peau de tigre.

A cette vue, un garde du Yamen, le considérant comme un fou, courut vers lui en vociférant:
- Ne sais-tu pas que c'est la place du Seigneur juge, on te tuera si tu oses t'asseoir sur ce siège.

PARTIE II

L'homme éclata de rire en l'écoutant parler ainsi.
- Y aurait-il quelqu'un de si méchant!

- Bien sûr, répondit le gardien, cette place est réservée à celui qui est digne d'avoir un sceau en or.

- Un sceau en or, mais j'en ai un, et l'homme sortit de sa poche un sceau en or éblouissant et le mit sur la table.

Frappé de stupeur, le garde resta bouche bée, puis il finit par réaliser qu'il avait devant lui Su Dongpo, le nouveau magistrat de Hangzhou.

Su Dongpo n'avait plus le temps de suivre le cérémonial prescrit ni de faire tirer les trois coups de canon; dès qu'il fut entré dans la cour de justice, il se mit à tenir audience. Il demanda à l'huissier de laisser entrer les deux hommes qui se querellaient.

Quand ils comparurent, Su Dongpo frappa la table avec son maillet de bois, il les interrogea:
- Quels sont vos noms, qui est le plaignant?

Ils s'agenouillèrent sous l'estrade, et cognèrent leur tête contre terre.

- C'est moi le plaignant, dit l'un, je m'appelle Li Xiaoyi.

- Je m'appelle Hong Amao, dit l'autre.

- Li Xiaoyi, demanda le juge, pour quelle raison portes-tu plainte contre Hong Amao.

- Je suis un homme de peine, dit Li Xiaoyi, j'avais fait de petites économies, dix taëls d'argent; il y a deux mois, je les ai prêtés à Hong Amao. Nous étions de bons voisins, j'étais d'accord pour ne pas exiger d'intérêts, à condition qu'il me les rende dès que j'en aurais besoin. Maintenant, j'ai trouvé une jeune fille qui me convient, j'ai besoin de l'argent pour me marier, et non seulement il ne veut pas me rendre mon argent, mais il m'a frappé.

PARTIE III

Su Dongpo se tourna vers Hong Amao et lui demanda:
- Pourquoi ne lui rembourses-tu pas ta dette, et le bats-tu par-dessus le marché?

Hong Amao s'empressa de se cogner la tête contre terre et murmura:
- Mon Seigneur, je suis un petit marchand, j'ai acheté des éventails à l'approche de l'été, j'étais loin de penser qu'il ferait encore frais après la fête de la mi-Mai; on porte encore des robes doublées, qui donc voudrait acheter mes éventails! En outre, ces jours-ci, il a plu et, les éventails ont moisi. Je suis vraiment incapable de lui rembourser l'argent. Comme il m'a insulté, et m'a saisi par ma veste, cela m'a mis en rage, et je lui ai donné un coup de poing sur la tête; je ne l'ai pas fait exprès.

En entendant cela, Su Dongpo fronça les sourcils et dit:
- Li Xiaoyi a besoin de l'argent pour se marier, Hong Amao doit lui payer sa dette.

A l'entendre, Hong Amao se lamenta:
- Ah! mon Seigneur, je suis vraiment à court d'argent.

Su Dongpo tout en caressant sa barbe reprit:
- Hong Amao a subi une perte d'argent, il est dans l'embarras. Li Xiaoyi doit chercher un autre moyen pour résoudre le problème de l'argent pour son mariage.

En entendant cela, Li Xiaoyi se plaignit aussi:
- Mon grand Seigneur, ce n'est pas facile pour moi d'économiser dix taëls d'argent!

Su Dongpo éclata de rire et dit:
- Soyez patients. Hong Amao rentre maintenant chez toi et rapporte-moi vingt éventails moisis; la cause est entendue.

Fou de joie, Hong Amao s'empressa de s'agenouiller et de se cogner la tête contre terre pour saluer le juge. Puis il se leva et courut à la maison; il en ramena vingt éventails qu'il donna à Su Dongpo.

PARTIE IV

Su Dongpo étala les éventails un à un sur le bureau, écrasa de l'encre, puis y trempa le pinceau et se mit à tracer, en utilisant les taches de moisi les plus grandes, des paysages en miniature évoquant des sites de montagnes, et avec les taches moins grandes, des fleurs de Mei en compagnie du sapin et du bambou, ce qu'on appelle "les trois amis de l'hiver".

Su Dongpo eut vite terminé; il donna alors dix éventails à Li Xiaoyi en lui recommandant:
- Tu peux compter régler les frais de ton mariage avec ces dix éventails; tu les emporteras dans la rue et tu crieras:
"éventails peints par Su Dongpo, un taël d'argent chacun",
tu les vendras sur le champ.

Su Dongpo donna les dix autres à Hong Amao en lui disant:
- Tu iras les vendre dans la rue, et tu en tireras dix taëls d'argent comme capital, tu entreprendras alors un autre genre de commerce.

Tous les deux le saluèrent bien bas et sans grande confiance, ils prirent chacun leurs éventails. Mais, à peine eurent-ils crié deux fois à l'improviste leur marchandise à vendre que les vingt éventails furent enlevés rapidement. Tout heureux, ils rentrèrent chacun chez eux avec leur argent.

Depuis lors l'histoire du litige jugé par Su Dongpo s'est répandue parmi la population.

Autrefois, on ne confectionnait que deux sortes d'éventails à Hangzhou, des noirs et des blancs; après que Su Dongpo eut exécuté des dessins sur les éventails, les artisans l'imitèrent.

Les uns dessinaient des fleurs, des oiseaux, des personnages et des paysages, les autres calligraphiaient des poésies. Tout cela embellissait les éventails.

Ces éventails dessinés ont un double usage, ils permettent de s'éventer, mais aussi d'admirer la peinture, aussi sont-ils bien accueillis par les clients. C'est pourquoi, l'usage s'en est conservé de la Dynastie des Song du Nord jusqu'à aujourd'hui.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:03

Le Loup de Zhongshan


Zhao Jianzi, un haut fonctionnaire, avait organisé une grande partie de chasse dans la montagne. Apercevant un loup, il lança son char à sa poursuite.

Or, Maître Dongguo, un vieux lettré connu pour son bon coeur et qui venait d'ouvrir une école à Zhongshan, s'était égaré dans cette même montagne. En route depuis l'aurore, il suivait à pied l'âne boiteux qui portait son sac plein de livres, lorsqu'il vit arriver le loup terrorisé qui lui dit :
- Bon Maître, n'êtes-vous pas toujours prêt à secourir votre prochain? Cachez-moi dans votre sac, vous me sauverez la vie! Si vous me tirez de ce mauvais pas, je vous en serai éternellement reconnaissant.

Maître Dongguo sortit ses livres du sac et y fit entrer le loup. Quand Zhao Jianzi arriva, ne trouvant pas la bête, il rebroussa chemin. Quand le loup jugea le chasseur suffisamment éloigné, il cria à travers le sac :
-Bon Maître, sortez-moi de là!

Sitôt libre, le loup se mit à hurler :
- Maître, vous m'avez sauvé tout à l'heure quand les hommes du royaume de Yu me poursuivaient et je vous en remercie, mais maintenant, je suis presque à la mort tant j'ai faim. Seriez-vous avare de votre vie qui peut sauver la mienne?

Il se jette gueule ouverte et griffes en avant sur Maître Dongguo. Celui-ci, bouleversé, se défendait du mieux qu'il pouvait, quand il aperçut soudain un vieillard qui s'avançait, appuyé sur une canne. Se précipitant vers l'arrivant, Maître Dongguo s'agenouilla devant lui et dit en pleurant :
- Vieux père, une parole de votre bouche peut me sauver la vie !

Le vieillard voulut savoir de quoi il s'agissait.

- Ce loup était poursuivi par des chasseurs, il m'a demandé de lui porter secours, je lui ai sauvé la vie et maintenant il veut me dévorer. Je vous supplie de parler en ma faveur et de lui montrer qu'il a tort.

Le loup dit :
- Tout à l'heure, quand je lui ai demandé secours, il m'a attaché les pattes et m'a fourré dans ce sac, empilant ensuite des livres sur moi; écrasé là-dessous, c'est à peine si je pouvais respirer. Ensuite, lorsque le chasseur est arrivé, il a parlé très longuement avec lui; il voulait que je meure asphyxié dans le sac, ainsi il aurait tiré profit de ma peau pour lui seul. Un félon pareil ne mérite-t-il pas d'être dévoré?

- Je n'en crois rien ! Répliqua le vieillard. Remettez-vous dans le sac, que je voie par moi-même si vraiment vous étiez aussi mal à l'aise que vous le dites !

Le loup accepta joyeusement et se coula de nouveau dans le sac.

- Avez-vous un poignard ? Demanda le vieillard à l'oreille du Maître.

- Oui, répondit-il en produisant l'objet demandé.

Aussitôt, le vieillard lui fit signe de l'enfoncer dans le sac. Maître Dongguo s'écria :
- Mais je vais lui faire du mal !

Le vieillard se mit à rire :
- Vous hésitez à tuer une bête féroce qui vient de faire montre d'une telle ingratitude ? Maître, vous êtes bon mais très sot aussi !

Alors, il aida Maître Dongguo à égorger le loup, puis laissant le cadavre au bord de la route, les deux hommes poursuivirent leur chemin.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:05

La Flûte Magique


PARTIE I

Il y a très longtemps, dans une vallée, vivait un jeune gardien de boeufs nommé La Yuesheng. Il menait paître un boeuf de labour tous les jours dans la montagne. Très habile dès son enfance, il aimait s'amuser avec l'arc et les flèches et il jouait très bien de la flûte.

Un jour, il mena paître son boeuf dans la montagne, sur une terre en friche, et lui-même se mit à couper des bambous pour faire une flûte. Le boeuf entra dans les champs d'un seigneur, celui-ci le tua.

Lorsque La Yuesheng vint chercher son boeuf, le seigneur le fouetta cruellement. Trop jeune pour l'emporter sur le seigneur, il s'enfuit en ravalant sa haine.

Le méchant seigneur ayant lancé deux chiens à la poursuite du garçon, ce dernier traversa plusieurs collines tout d'une haleine et arriva à une montagne où poussaient beaucoup de gros arbres. Il grimpa sur un arbre, les deux chiens qui ne pouvaient qu'aboyer sous les branches, finirent par s'en aller.

Perché sur son arbre, à l'idée que toute la famille vivait de ce boeuf qui avait été tué et que, de plus, lui-même avait été battu, le jeune homme était rempli de fureur et d'indignation. Ne pouvant se raisonner, il se mit à sangloter.

A ce moment-là, un garçon apparut sous l'arbre et lui demanda:
- La Yuesheng, pourquoi pleures-tu?

- Mon boeuf a été tué par le seigneur, comment oserais-je rentrer chez moi! répondit La Yuesheng.

- Ne pleure pa, si tu es capable, va chercher le boeuf magique dans la montagne sacrée!

- Quel boeuf magique? demanda La Yuesheng.

Le garçon lui expliqua:
- Mon grand-père a dit qu'il y a un boeuf magique dans la montagne sacrée. Très robuste, il peut labourer 8000 "mu" de champs en une journée et 800 "mu" en une nuit. Il sortirait si quelqu'un pouvait l'attirer avec une flûte magique. Si tu trouves ce boeuf magique, ce sera beaucoup mieux que le tien!

En entendant cela, La Yuesheng sauta à terre en disant:
- Je sais jouer de la flûte, mais je ne sais pas où est cette flûte magique.

- Je ne le sais pas non plus, il faut que tu la cherches toi-même, répondit le garçon.

PARTIE II

De retour chez lui, La Yuesheng se perdait dans ses réflexions sans rien trouver. Où était donc cette flûte magique? Il décida finalement d'aller la chercher le lendemain.

Le jour suivant, de bonne heure, il se mit en route en apportant avec lui un sabre et un arc. Il se dirigea seul au fond de la montagne, mais au bout de deux jours, il n'avait rien trouvé.

Le troisième jour, à la nuit tombante, La Yuesheng cherchait encore dans la montagne. Autour de lui, la forêt dense émettait des sifflements lugubres au souffle du vent, le rugissement du tigre retentissait au loin dans les vallées.

Saisi de peur, La Yuesheng se cacha sur un arbre. Tout à coup, un éclair éclatant de couleur vive surgit sur la pente en face de lui. Scintillant, il devenait de plus en plus brillant, évoquant tantôt un pont en couleur, tantôt un Palais. Captivé par cette lumière, La Yuesheng ne la quittait pas des yeux et il s'aperçut qu'une touffe de bambous se balançait sous cette tâche colorée.

"Qu'est-ce que c'est? Y aurait-il des immortels dans ce bosquet!"

La Yuesheng était dévoré de curiosité: Soudain, il poussa un cri de joie:
"Ça doit être des bambous des immortels, je vais en couper deux pour faire une flûte; ce sera peut-être une flûte magique?"

Enchanté, il eut envie de descendre de l'arbre pour aller couper des bambous. Cependant, pensant qu'on ne pouvait pénétrer dans un lieu fréquenté par des immortels sans risquer d'être mangé par des animaux féroces, et qu'il valait mieux y aller le lendemain matin, il s'assit en croupe alors sur une branche de l'arbre pour regarder la belle lumière changeante, et resta les yeux ouverts toute la nuit.

PARTIE III

Quand le coq chanta pour la troisième fois, le jour se levait et les oiseaux dans les bois commençaient à chanter. La main sur son sabre à la ceinture et son arc à l'épaule, il s'enhardit à descendre de l'arbre et se dirigea vers les bambous.

A 15 mètres du bosquet, un tigre sauta soudain en face de lui et se jeta sur lui en montrant griffes et crocs. Pris de panique, La Yuesheng poussa un cri, recula de quelques pas, puis empoigna son arc, et d'une seule flèche abattit le tigre.

La Yuesheng eut à peine le temps de se détendre qu'un autre tigre surgissait. Il visa l'oeil; touché, le fauve en rugissant fit un bon de 10 mètres, puis retomba sur le sol et roula du haut du roc jusqu'au fond de la vallée.

Essuyant la sueur sur son visage, La Yuesheng espérait se reposer un peu lorsqu'un troisième tigre apparut devant lui. L'air farouche, il se jeta sur le jeune homme qui, n'ayant pas eu le temps de bander son arc, tira son sabre et en assena un coup de toutes ses forces sur la tête du tigre. Le fauve s'écroula en rugissant; encore quelques coups de sabre et il ne bougea plus.

La Yuesheng était baigné d'une sueur d'angoisse. Quelques minutes passèrent, plus rien ne se produisit. Il s'approcha de la touffe de bambous, en coupa deux tiges et se mit à fabriquer avec soin une flûte.

Dans l'après-midi, sa flûte était faite. Il en joua pour l'essayer. Au premier son, de tous les côtés arrivèrent en volant toutes sortes d'oiseaux de toutes les couleurs et de toutes tailles qui voletaient autour de lui.

Au deuxième son, vinrent en foule des chevrotins, des cerfs, des tigres et des panthères. La Yuesheng continuait à jouer, le son harmonieux résonnait au vent du crépuscule dans la forêt.

Les oiseaux chantaient tout en battant des ailes autour de La Yuesheng et les animaux à côté de lui hochaient la tête et agitaient leur queue tout en étant fascinés par la musique.

La Yuesheng jouait et regardait, mais jusque-là aucun boeuf n'apparaissait. Il se dirigea alors vers le sommet de la montagne, les oiseaux le suivaient en volant et les animaux lui faisaient cortège.

Il marcha beaucoup; toujours pas trace de boeuf. Impatient, il monta sur un roc élevé et joua de la flûte de plus belle: le son de sa flûte retentissait sur tous les sommets de la montagne comme si des perles se heurtaient en roulant.

Juste à ce moment-là, au loin, La Yuesheng vit un gros boeuf qui s'approchait lentement en se balançant; il finit par s'arrêter docilement devant le jeune homme.

PARTIE IV

La Yuesheng le regarda de plus près: Quel boeuf! haut et géant, gros et robuste avec le poil noir et brillant; un anneau sur le nez, le regard fixé sur La Yuesheng comme s'il voulait parler.

Transporté de joie, La Yuesheng enleva sa ceinture verte de lianes et l'attacha sur l'anneau. Il donna une tape sur le dos du boeuf qui se tourna vers lui et lui lécha amicalement la main. Très content, La Yuesheng monta sur son dos et prit le chemin du retour.

A son arrivée à la maison, ses parents le serrèrent dans leurs bras, en pleurant de joie:
- La Yuesheng, où as-tu été ces jours-ci? On croyait que tu avais été mangé par des animaux féroces.

La Yuesheng répondit:
- Papa, Maman, ne pleurez pas. J'ai trouvé dans la montagne un boeuf magique qui peut labourer 8000 "mu" de terre en une journée et 800 "mu" en une nuit.

A ces mots, ses parents sortirent pour regarder le boeuf comme s'ils avaient obtenu un trésor. Ils flattaient sa tête, son nez, si contents qu'ils ne purent dormir de la nuit.

Le lendemain, La Yuesheng et son père conduisirent le boeuf magique aux champs. Peu de temps après, il avait labouré une vaste étendue de terres. Le père très content, dit:
- Ça suffit, ça suffit, s'il continue, nous ne pourrons pas tout cultiver.

Ravis, le père et le fils retournèrent chez eux en ramenant le boeuf.

PARTIE V

La nouvelle se répandit comme le vent. Dès qu'il l'eut apprise, le seigneur avide voulut s'emparer du boeuf sur le champ. Comme il se grattait la tête, une idée lui vint. Il mobilisa toute sa famille pour examiner les vieux carnets de compte.

Ils découvrirent finalement dans le dernier carnet qu'ils avaient prêté à la famille de La Yuesheng 50 livres de riz qu'elle n'avait pas encore rendues. Le seigneur poussa un cri de joie:
- Tant mieux, tant mieux, je vais en réclamer le paiement!

Cela dit, il se rendit chez La Yuesheng en apportant le carnet de compte. Il dit au père de La Yuesheng:
- Vous m'avez emprunté 50 livres de riz il y a quelques années et vous devez m'en rendre plusieurs centaines de livres en comptant l'intérêt; ce sera pour quand?

Le père de La Yuesheng lui répondit:
- Monseigneur, nous n'avons même rien à manger pour le moment, nous vous le rendrons certainement plus tard.

- Vous voulez renier votre dette? dit le seigneur.

Le père de La Yuesheng tenta de s'expliquer:
- Nous n'oserions pas. Nous n'avons vraiment rien à vous donner. Permettez-nous de nous acquitter de cette dette l'année prochaine.

Affectant un air de pitié, le seigneur poursuivit:
- C'est vrai, je sais que vous avez des difficultés. Pourtant il faut rembourser la dette. Dans ce cas, je vous propose de me donner le boeuf en guise de paiement.

- Non, non, je ne vous donnerai jamais le boeuf; plutôt mourir de faim! s'écria La Yuesheng en entendant cela.

- Alors, rendez-moi le riz! dit le seigneur d'un ton menaçant.

Aussitôt il emmena le boeuf de force. Le seigneur rentra triomphalement chez lui. Il fit construire spécialement pour le boeuf une étable avec un plancher et une porte quadrillée.

Comment La Yuesheng aurait-il pu céder au seigneur ce boeuf qui lui tenait tant à coeur? A minuit, prenant sa flûte magique, il monta sur le toit de sa maison et se mit à jouer.

Au son de la flûte, le boeuf se dirigea vers la maison de La Yuesheng en emportant son étable...

PARTIE VI

Le lendemain matin, le seigneur s'aperçut que le boeuf et l'étable avaient tous deux disparu. Il envoya ses domestiques à leur recherche. Finalement, ils les trouvèrent chez La Yuesheng.

Bondissant de fureur, le seigneur fit venir La Yuesheng, l'enferma dans une cage et fit ramener le boeuf. Un fouet à la main, il dit au jeune homme:
- J'ai entendu dire que ton boeuf magique peut labourer en une journée 8000 "mu" de terre, qu'il travaille pour moi! S'il en labourait un pouce de moins, je te fouetterais à mort!

La Yuesheng fut bien obligé de prendre une charrue et de conduire le boeuf au champs. Le seigneur les suivait pour les surveiller en faisant claquer son fouet, sans les quitter des yeux.

Le travail commença. Au cri de La Yuesheng, le boeuf magique entama le labour. Quelle vitesse! La terre était renversée et se déversait comme des vagues, même les pierres étaient brisées.

A cette vue, le seigneur ravi pensa que La Yuesheng et ce boeuf pourraient faire autant de travail que quelques centaines d'hommes. Transporté de joie, il faisait claquer son fouet en criant:
"Vite, vite, bravo!"

Le boeuf magique labourait de plus en plus vite comme s'il s'envolait. Le seigneur était si content qu'il en oubliait tout. Il sauta d'un coup au milieu des champs pour regarder de plus près sans se soucier de couvrir de terre ses chaussures neuves.

Le boeuf magique galopait en traînant la charrue à la vitesse de l'éclair, éblouissant les yeux et donnant le vertige.

Finalement, à chaque tour que faisait le boeuf, des champs s'écroulaient. Et tout d'un coup, toute la terre s'effondra et on vit surgir une mer toute blanche dont l'eau montait sans cesse.

A ce moment-là, le boeuf magique portant La Yuesheng sur son dos, sauta hors de la mer dont les vagues blanches déferlaient, et se dirigea en volant vers la maison de La Yuesheng.

Quant au seigneur avide, il fut noyé et on ne put même pas retrouver son corps.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:06

La Ville Mirage de Luosha


PARTIE I

Ma Ji, de son nom personnel Longmei, était fils d'un marchand. D'une distinction aisée et naturelle, il aimait à chanter, à danser et à fréquenter de jeunes acteurs. La tête enveloppée d'un châle de brocart, il rivalisait de beauté avec les jolies filles; ainsi l'appelait-on encore le "beau garçon".

Cela lui avait valu, dès l'âge de quatorze ans, une certaine célébrité quand il étudiait à l'école des bacheliers de la préfecture. Son père, devenu vieux et fragile de santé, s'étant retiré de son commerce, lui dit un jour :
- A quoi bon des livres qui ne peuvent pas nous servir de nourriture quand nous avons faim, ni d'habit quand nous avons froid. Tu feras bien de continuer mon commerce.

Par la suite, s'attachant un peu plus au négoce, Ma était parti en mer avec des compagnons quand, entraîné par un typhon, pendant des jours et des nuits, il arriva dans une grande ville où les autochtones étaient fort laids. A la vue de Ma, le considérant comme un monstre, ils s'enfuirent en poussant des cris.

Tout d'abord Ma, à voir leur attitude, fut effrayé à son tour, mais dès qu'il se fut rendu compte qu'ils avaient tout simplement peur de lui, il en profita pour se jouer d'eux. Lorsqu'il en rencontrait en train de prendre un repas, il accourait vers eux et mangeait les restes abandonnés par les fuyards.

Longtemps après, comme il se trouvait dans un village de montagne, il y rencontra, parmi d'autres, des gens dont la physionomie ressemblait à celle des habitants de notre monde, mais ils étaient en haillons comme des mendiants. Tandis que Ma se reposait sous un arbre, les villageois n'osaient pas avancer, mais se contentaient de le regarder de loin.

PARTIE II

Quelque temps après, s'étant rendu compte que Ma n'était pas un anthropophage, ils s'approchèrent de lui un peu plus. Celui-ci se mit à sourire et à parler avec eux. On pouvait se comprendre à demi quoique les langages fussent différents. Ma commença à leur raconter ce qui lui était arrivé.

Les villageois en furent soulagés et répandirent aux alentours la nouvelle que le nouveau venu n'était pas un cannibale. Cependant les plus laids d'entre eux s'en allèrent en lui jetant un coup d'oeil sans oser s'approcher de lui. Quant à ceux qui étaient venus à lui, par l'architecture de leur visage, ils ne se différenciaient guère des Chinois. Ils collectèrent de la nourriture et du vin pour les lui offrir et Ma en profita pour leur demander pourquoi ils avaient peur de lui.
- J'ai entendu mon grand-père dire, fit l'un d'eux, qu'à vingt-six mille lis d'ici, en allant vers l'ouest, se trouve la Chine dont les habitants ont un visage très différent du nôtre. C'est seulement aujourd'hui que j'ajoute foi à ces on-dit.

Et comme Ma Ji demandait pourquoi ils étaient si pauvres, il répondit:
- Ce qui importe ici ce n'est pas le talent littéraire, mais les traits du visage. Les plus beaux des hommes sont chargés de postes de ministres, les moins beaux de petites fonctions locales ; ceux qui leur sont inférieurs, grâce à des faveurs accordées par des nobles, peuvent nourrir leurs femmes et leurs enfants. Quant aux gens tels que nous, dès notre naissance, nos parents nous considéraient comme des créatures qui portaient malheur et souvent nous jetaient dehors. Si certains n'ont pas été traités ainsi, ce fut seulement pour assurer la descendance.

- Quel est ce pays ?

- Da Luosha dont la capitale se trouve à trente lis au nord.

Ma demanda qu'on le conduise là-bas visiter la ville. Le villageois se leva au chant du coq pour l'accompagner. Quand il arriva, il faisait déjà grand jour. La ville était construite de pierres noires comme un bâton d'encre. Des édifices à plusieurs étages s'y dressaient à une hauteur de cent pieds. On voyait peu de toits de tuiles, les maisons étaient recouvertes de pierres rouges. ma en ramassa un débris et, après l'avoir frotté sur son ongle, trouva qu'il était analogue à du cinabre.

L'audience de la cour venait justement de se terminer. Un grand dignitaire en sortait.
- C'est le grand ministre d'Etat, dit le villageois.

Ma put alors l'observer de près: Ses oreilles étaient placées à l'envers, son nez possédait trois orifices et ses yeux étaient cachés par un rideau de cils. Puis sortirent encore quelques dignitaires à cheval.
- Ce sont de hauts fonctionnaires, l'avertit encore le villageois.

Or tous les fonctionnaires qu'il avait signalés étaient des êtres fabuleux aux cheveux bouffants. Cependant les moins laids étaient les moins gradés. Peu après, lorsque Ma prit le chemin du retour, les gens à sa vue se sauvaient dans la rue, tombant et poussant des hurlements comme s'ils avaient rencontré un monstre. Et le villageois dut encore donner mille explications pour qu'ils se risquent à s'arrêter et à le regarder de loin.

PARTIE III

Après son retour, les grands comme les petits du royaume, tous savaient qu'il y avait un véritable phénomène dans le village. Alors, les grands dignitaires, désireux de le faire venir pour élargir les connaissances, exigèrent des villageois qu'ils leur amènent Ma.

Cependant, devant chaque maison, Ma se heurta à une porte close, et à travers la fente de l'huis, il pouvait voir des hommes ou des femmes qui parlaient à voix basse en le regardant. Un jour passa, sans que personne ne se décidât à l'inviter chez soi.

- Il y a ici un ancien vice-ministre, dit le villageois, qui était autrefois l'envoyé du roi défunt dans les pays étrangers; lui qui a vu le monde, n'aurait peut-être pas peur de vous.

Il se rendit chez le vice-ministre. Celui-ci, très heureux, le reçut en effet comme un invité de marque. A le voir, on lui aurait donné quatre-vingt à quatre-vingt-dix ans; il avait des yeux fort saillants et une barbe frisée en collier.

- J'ai été envoyé, dit-il, comme ambassadeur à l'étranger de nombreuses fois par le roi, mais jamais en Chine. Aujourd'hui, âgé d'un peu plus de cent vingt ans, j'ai enfin la chance de rencontrer quelqu'un de ce noble pays; c'est là une chose que je devrais faire connaître au roi. Bien que je me sois retiré dans mon domaine depuis une dizaine d'années, loin de la Cour, j'irai y faire un tour demain pour vous annoncer.

Il commanda du vin et des mets afin de remplir les devoirs d'un aître de maison envers son hôte. Après plusieurs libations, il fit venir une dizaine de danseuses pour exécuter des chants et des danses. Avec leur coiffure de brocart blanc et leur robe rouge qui traînait à terre, elles avaient toutes l'air de diablesses. Elles chantaient des paroles incompréhensibles sur un air extrêmement bizarre. Mais le maître de maison trouvait cela fort à son goût.

- Y a-t-il de la musique comme celle-ci en Chine ? demanda-t-il.

- Mais oui.

Comme l'ancien ambassadeur le priait de chanter, Ma exécuta un morceau en marquant le rythme sur la table.

- Formidable ! fit le maître de maison; c'est aussi beau qu'un chant de phoenix ou de Dragon que je n'ai jamais pu entendre !

Le lendemain, il alla à la Cour dans l'intention de présenter son invité au roi. Celui-ci se montra d'abord fort content et fut sur le point d'émettre un édit pour lui donner audience. Mais comme deux ou trois grands dignitaires craignaient que les traits monstrueux de l'étranger puissent effrayer Sa Majesté, il y renonça. Le vice-ministre sortit du Palais pour en informer Ma en lui exprimant tous ses regrets.

PARTIE IV

Après un long séjour chez son hôte, Ma prit l'habitude de boire avec lui. Un jour, dans son ivresse, il dansait en brandissant une épée et exécutait une mimique avec son visage peint en noir tel celui de Zhang Fei.
( Guerrier de l'époque des trois royaumes (220 / 265). Son visage est toujours peint en noir lorsqu'il est représenté dans les pièces de l'opéra.)

Le vieillard le trouva magnifique et dit :
- Je vous prie d'aller voir le premier ministre sous les traits de Zhang Fei. il sera enchanté de vous employer et vous accordera un gros traitement.

- Hélas! soupira Ma. C'est seulement un divertissement; comment pourrais-je obtenir des honneurs grâce à un changement d'aspect de mon visage?

Comme le maître de maison insistait, Ma finit par accepter. Son ami prépara alors un banquet pour inviter des hommes au pouvoir et demanda à Ma de peindre son visage en attendant leur arrivée.

Dès que les invités furent là, le maître de maison fit venir Ma pour qu'il leur soit présenté.
- C'est extraordinaire, s'exclama l'un d'eux, si laid hier, vous voilà si beau aujourd'hui!

Alors, ils burent ensemble avec des transports de joie. Ma exécuta une danse en chantant un air de Yiyang, ce qui souleva l'admiration de toute l'assistance. Le lendemain, ils adressèrent un rapport au roi pour présenter Ma. Le roi en fut réjoui et invita Ma en lui envoyant un bambou à plumes comme signe d'introduction.

A l'audience, le roi lui demanda quelle voie suivait la Chine pour gouverner le pays dans la paix. Ma fit là-dessus un exposé avec des périphrases et fut comblé d'éloges par le roi. Le souverain donna un banquet au Palais Li (Palais situé à l'extérieur de l'enceinte royale.) en son honneur. Tandis que le vin lui montait à la tête, il lui demanda :
- J'ai entendu dire que vous étiez versé dans un art musical très raffiné; pourriez-vous me faire entendre quelques airs de cette musique ?

Ma se leva et, se serrant la tête avec un morceau de brocart blanc, exécuta une danse tout en chantant d'une voie mièvre. Le roi en fut pleinement satisfait et il le nomma Xiadafu (Titre donné autrefois aux hauts fonctionnaires.)

Depuis lors Ma assistait souvent aux banquets du roi, ce qui était la marque d'une faveur toute particulière.Cependant, au bout d'un certain temps, des fonctionnaires et de nombreux subordonnés, ayant découvert que son visage n'était pas naturel, chuchotaient entre eux partout où il se trouvait et s'éloignaient de lui.

Ma se sentit isolé et en fut profondément affecté. Il adressa un rapport au roi demandant de le relever de ses fonctions. Devant son refus, il sollicita alors un congé; on lui accorda trois mois.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:06

PARTIE V

C'est ainsi qu'il profita du courrier du royaume pour transporter ses trésors au village d'où il était venu. Les villageois le reçurent en se prosternant à terre. Ma distribua toute sa fortune aux gens qui l'avaient traité en ami, et tout le village fut dans l'allégresse.

- Nous sommes de petites gens qui bénéficions des dons du Dafu, dit un villageois; nous irons demain à la ville du Mirage pour trouver des objets précieux afin de vous les offrir en témoignage de notre gratitude.

- Où est donc cette ville? demanda Ma

- Au milieu de la mer, dit le villageois, des Jiao (* D'après le Shuyiji (récits sur des phénomènes étranges), il y a dans les mers du Sud des Jiao qui vivent comme des poissons et tissent sans arrêt. Leurs larmes deviendraient des perles. )
des quatre mers se réunissent là pour vendre leurs perles et leurs pierres précieuses; et des marchands de douze pays des quatre points cardinaux y accourent pour pratiquer leur commerce. là-bas, il y a toutes sortes de divertissements merveilleux. Mais quand le ciel se couvre de nuages rouges, les vagues se déchaînent souvent. les gens de la noblesse se gardent d'affronter ce péril et nous confient leur or ou leur pièces de soie pour que nous les échangions contre des choses rares et précieuses. Maintenant la date approche.

Comme Ma lui demandait d'où il tirait cette conjecture, il expliqua:
- Chaque fois que l'on voit des oiseaux rouges faire des allées et venues dans le ciel, la foire commencera dans sept jours.

Dans l'intention d'aller voir avec eux, Ma demanda la date du départ, et comme le villageois lui conseillait d'épargner sa peine, Ma s'écria :
- Un vieux loup de mer comme moi pourrait-il avoir peur d'une tempête?

Peu après il vit en effet arriver des gens qui, les uns après les autres, confiaient des biens aux villageois en les déposant dans leur bateau.Cette embarcation à fond plat et à hautes galeries était mue par une dizaine de rameurs et filait comme une flèche.

PARTIE VI

Après trois jours de navigation, on aperçut au loin des pavillons à étages qui se superposaient, comme flottant entre les nuages et l'eau. Des navires de commerce convergeaient dans cette direction comme des colonnes de fourmis. Bientôt on arriva au pied de la muraille dont les briques avaient la taille d'un homme, et la tour de guet perçait les nuages.

Après que le bateau eut été amarré , Ma entra dans la ville et vit exposés au marché des objets merveilleux inconnus dans le monde et dont le rayonnement éblouissait les yeux.

Soudain arriva un adolescent monté sur un coursier et, dans le marché, la foule s'écarta devant lui à la hâte; on disait que c'était le troisième Prince héritier de l'océan de l'Est.

Le Prince en passant vit le lettré et dit :
- N'est-ce pas là un étranger ?

Un cavalier qui précédait le Prince vint interroger Ma sur son identité. Se mettant sur le côté gauche du chemin, le lettré déclina le pays et le clan auxquels il appartenait.

L'honneur que nous fait votre venue et notre heureuse rencontre sont l'effet d'une grande faveur du destin!

Il fit alors donner un coursier à Ma et le pria de chevaucher à ses côtés. Ils sortirent par l'ouest de la ville. Ils arrivaient à peine au rivage que le cheval de notre lettré sauta dans l'eau en hennissant, ce qui arracha un cri d'effroi au cavalier. Il remarqua bientôt que la mer se divisait en deux parties qui se dressèrent comme deux murs.

Bientôt, on vit des Palais dont les murs étaient faits de carapaces de tortues et de tuiles d'écailles de poissons; les quatre murs étaient transparents et leurs reflets de miroirs éblouissaient les yeux. Abandonnant leurs coursiers, ils entrèrent dans la ville, puis saluèrent des deux mains le Roi Dragon, assis sur un trône élevé.

- Votre humble sujet, dit le Prince, a trouvé dans le marché un sage venant de Chine, et je l'ai amené ici pour vous le présenter.

PARTIE VII

Sur ce, le lettré s'avança et salua le roi d'un geste gracieux.

- Maître, dit le roi, vous êtes un lettré dont le talent surpasserait certainement celui de Qu Yuan et de Song Yu* et je vous prie donc de me composer un fu** sur la ville du Mirage et de ne pas épargner les efforts de votre génie aussi précieux que la perle et le jade.

(*Deux grands poètes du royaume de Chu à l'époque des Royaumes Combattants (475-221 av. J.C.)
(** Ancienne forme de poème qui évolua vers la prose rythmée )

Le lettré, prosterné, le front contre terre, accepta la tâche. On lui donna un encrier de cristal, un pinceau de barbe de Dragon, du papier blanc comme neige et de l'encre exhalant un parfum d'orchidée. Ma écrivit d'une seule traite plus de mille caractères et les offrit à Sa Majesté qui dit en tapant avec sa tablette :
- Maître, votre talent magnifique a hautement honoré mon royaume des ondes!

Il fit donc venir tous les membres du clan de la famille du Dragon pour assister à un banquet donné au Palais des Nuages diaprés. Après plusieurs libations, sa coupe à la main, il s'adressa au nouveau en ces termes :
- Moi, le souverain suprême, j'ai une fille bien-aimée qui n'est encore promise à personne et je voudrais vous la donner. Qu'en pensez-vous maître?

Le lettré ne put que quitter sa place et aller saluer pour témoigner toute sa gratitude au roi. Sa majesté donna alors quelques instructions aux gens de sa suite. Et un moment après, des dames du Palais sortirent pour aller chercher la jeune fille. Le cliquetis de ses pendentifs de jade résonnait agréablement et, tout à coup, éclata le tonnerre des instruments à vent et à percussion. A la fin de la cérémonie, Ma se risqua à regarder la Princesse du coin de l'oeil et la trouva belle, une véritable fée.

Peu après le banquet, deux servantes tenant chacune une lanterne décorée conduisirent le lettré dans un Palais attenant où la jeune femme, assise en costume d'apparat, l'attendait au bord d'un lit de coraux orné de huit sortes de joyaux et de tentures surchargées de grosses perles brillantes au bout de chaque frange. Quant aux couvertures, elles étaient douces et parfumées.

PARTIE VIII

A l'aube, de nombreuses jeunes filles et servantes séduisantes s'empressèrent autour d'eux. Le lettré se dépêcha d'aller à la Cour pour exprimer sa reconnaissance au roi qui lui conféra le titre de gendre royal avec la fonction de commandant des chevaux d'escorte.

Son poème s'étant répandu largement dans toutes les mers, les rois-Dragons envoyèrent des messagers spéciaux pour présenter au gendre royal leurs félicitations et pour l'inviter à des banquets en son honneur. Le lettré habillé de brocart et monté sur un destrier fabuleux sortit du Palais à grand fracas. Armés d'un arc gravé et d'une massue blanche, quelques dizaines d'hommes d'escorte à cheval formaient un essaim bariolé autour du jeune seigneur leur maître. Sur les chevaux on jouait du luth et dans le char de la flûte de jade.Dès lors son nom de Longmei* était célèbre entre les Quatre Mers.

(* Ce qui signifie marié par le Dragon, gendre du Dragon )

Dans la cour du Palais existait un arbre de jade dont le tronc que l'on pouvait à peine entourer des deux bras joints, était lisse comme du verre et si pur qu'on y distinguait au centre le coeur jaunâtre du bois, gros comme le bras. Ses feuilles de jade vert, de l'épaisseur d'une sapèque, donnaient un ombrage délicieux et profond.Le lettré venait souvent là avec sa jeune femme chanter et réciter des poèmes.

L'arbre était couvert de fleurs parfumées dont les pétales faisaient entendre un cliquetis en tombant et, à les examiner de près, elles ressemblaient à de brillants joyaux d'agate rouge ciselée. Quelquefois des oiseaux étranges au plumage vert et doré avec une longue queue venaient chanter avec des accents d'une tristesse pénétrante. Peu à peu ceci fit naître la nostalgie dans le coeur de Ma.

- Voilà déjà trois ans, dit-il un jour à sa femme, que je me suis lancé dans des voyages et éloigné de mes parents. Je me sens profondément malheureux chaque fois que j'y pense. Pourrais-tu me suivre si je rentrais chez moi?

- Entre le monde des immortels et celui de la poussière, il existe une distance infranchissable, je ne pourrais donc pas te suivre. En outre, je ne peux pas non plus conserver l'harmonie de l'amour au détriment de la piété filiale. On envisagera la chose plus tard.

A ces mots, le lettré pleura sans pouvoir se contenir. Son chagrin gagna la jeune femme :
- Il nous sera impossible d'obtenir tout à la fois! dit-elle.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:07

PARTIE IX

Le lendemain, comme il rentrait au Palais, le Roi Dragon dit à son gendre:
- J'ai entendu dire, mon commandant, que vous êtes en proie à la nostalgie. Est-il possible de préparer votre départ pour demain matin?

- Votre sujet, un vagabond solitaire, que vous avez honoré d'une faveur exceptionnelle, garde en son fort intérieur toute la reconnaissance qui vous est due. Ayez la bonté de me laisser partir et je reviendrai pour que nous soyons de nouveau réunis.

Vers le soir, la jeune femme fit apporter du vin pour célébrer les adieux. Comme Ma voulait fixer la date du retour, elle dit:
- Notre amour prédestiné est arrivé à sa fin!

Devant la consternation de Ma, elle continua:
- Ce retour pour prendre soin de tes parents montre que tu nourris à juste titre de la piété filiale à leur égard. Quand il s'agit de réunion ou de séparation, la différence n'est pas grande entre une centaine d'années ou une journée de vie; à quoi bon pleurer comme un enfant? Après ton départ, je resterai chaste pour toi et toi, vertueux pour moi. C'est encore du bonheur conjugal lorsque les deux coeurs restent fidèles malgré la distance. A quoi bon se surveiller jour et nuit et appeler cela vieillir ensemble? Que les liens du mariage portent malheur à celui qui trahirait ce serment, cependant tu pourrais prendre une servante si tu avais besoin d'une femme pour les besognes de la cuisine. J'ai encore une chose à te demander: Après notre mariage, j'ai constaté un heureux symptôme; je te prie donc de m'indiquer un nom.

- Longgong, si c'est une fille et Fuhai pour un garçon.

La jeune femme lui demanda enfin de lui laisser un gage d'amour. Il lui remit une paire de fleurs de lotus en jade rouge qu'il avait acquises dans le pays de Luosha.

- Dans trois ans, le 18 avril, lui précisa-t-elle, tu devras voguer sur un bateau près de l'île du Sud, et je te remettrai ton descendant.

Elle lui donna un sac en peau de poisson rempli de perles et de pierres précieuses en lui recommandant :
- Garde soigneusement ce trésor qui assurera largement ta vie et celle de plusieurs générations de notre famille.

A l'aube, le roi fit installer la tenture pour la cérémonie des adieux et lui offrit un don très important. Le lettré se prosterna pour saluer le souverain avant de quitter le Palais. La jeune femme montée dans une voiture attelée de chevaux blancs l'accompagna jusqu'au rivage. Là, Ma descendit de cheval, tandis qu'elle prononçait les formules usuelles consacrées aux adieux. Elle fit retourner sa voiture, prit le départ, s'éloigna et disparut tandis que la mer se refermait sur elle.

Ma rentra chez lui...

PARTIE X

Depuis le temps que notre lettré s'en était allé, tout le monde croyait qu'il avait péri en mer. Son retour à la maison plongea la famille dans la stupéfaction. Par bonheur ses parents étaient encore en bonne santé, mais sa femme s'était remariée. Il se souvint de son serment de rester vertueux fait à la fille du Roi Dragon, et pensa qu'elle avait probablement prévu cette situation. Son père voulait le remarier, mais il refusa et prit seulement une servante comme concubine.

Trois ans après, à la date convenue, il alla naviguer parmi les îles et vit deux enfants assis sur la surface des ondes qui jouaient en tapotant tranquillement l'eau sans s'inquiéter de sombrer. Lorsque Ma s'approcha, l'un d'eux se précipita au-devant de lui, et lui prit le bras, tandis que l'autre se mettait à sangloter comme pour se plaindre d'être délaissé.

Le lettré les prit tous les deux dans ses bras et les examina avec attention, l'un était un garçon, l'autre, une fille. Ils portaient chacun sur leur tête un diadème de fleurs orné de pierres de jade parmi lesquelles se trouvaient la paire de fleurs de lotus en jade rouge. Lorsqu'on défit le sac de brocart attaché sur leur dos, on découvrit une lettre ainsi libellée :

"Je pense que mes beaux-parents sont tous les deux en bonne santé. Voici déjà trois années de passées; le monde de la poussière rouge est séparé du nôtre définitivement par une vaste étendue d'eau que même l'Oiseau bleu aurait du mal à franchir.

Ma pensée s'est cristallisée en rêve et mes regards s'attristent en fixant l'azur des cieux, mais que puis-je faire pour soulager mon chagrin ? Je songe à Heng Eh qui s'enfuit dans la lune pour s'abriter dans le Palais des Osmanthes, ou à la Tisserande qui jette sa navette pour se lamenter au bord de la Voie lactée. Mais quelle femme suis-je donc ? Pourrais-je rester parfaite toute l'éternité ? Quand je pense à cela, je cesse de pleurer et je me prends à rire.

Deux mois après notre séparation, j'ai accouché de deux jumeaux. Ils savent maintenant gazouiller dans les bras et comprennent fort bien le rire et les paroles; ils sont capables de cueillir des jujubes ou des poires pour subsister sans leur mère. Je vous les rends avec mes hommages. Les fleurs de lotus en jade rouge que vous m'aviez laissées orneront leurs diadèmes en guise de gage.

Quand vous prendrez les enfants sur vos genoux, il faudra imaginer que je suis à vos côtés. Je sais que vous restez fidèle au serment prêté autrefois. Ce qui m'a bien réconfortée. Quant à moi, je ne changerai pas de toute ma vie. De mon nécessaire de toilette, j'ai exclu des produits rares comme la crème d'orchidée; pour apprêter mon visage devant le miroir, je n'emploie plus ni la poudre ni le noir pour les yeux.

Vous vous conduisez comme un voyageur, moi comme la femme d'un vagabond. Un luth et une cithare, resteraient-ils toujours pareils, même si l'on ne les faisait pas chanter ?

Quand je pense que mes beaux-parents ont maintenant leurs petits-enfants dans les bras, mais qu'ils n'ont pas encore vu une seule fois leur nouvelle bru, je sens un vide dans mon coeur.

Je me rendrai l'année prochaine auprès de la fosse où sera inhumée ma belle-mère pour remplir mon devoir de bru.

En outre, n'ayez pas d'inquiétude pour Longgong, elle aura une vie heureuse. Quant à Fuhai, il ne vieillira pas et il fera peut-être le chemin aller et retour.

Je vous prie de bien veiller à votre santé. Je n'arrive pas à formuler tout ce que je voudrais vous dire."

PARTIE XI

Ma, essuyant ses larmes, lisait et relisait la lettre, tandis que les deux enfants, pendus à son cou, suppliaient :
- Rentrons à la maison !

- Mais savez-vous où est notre maison ? demanda le lettré plein d'affliction tout en les caressant.

Les enfants pleurèrent de plus belle en gazouillant toujours :
- Rentrons à la maison... !

Le lettré promena ses regards sur les ondes, sur l'immensité de la mer sans bord et, cerné par la brume, il se sentit perdu au bout du chemin. A grand regret, il ne put que s'en retourner, serrant ses deux enfants dans ses bras.

Averti par la lettre du prochain décès de sa mère, il procéda à tous les préparatifs nécessaires : Il fit élever un tombeau et planter autour une centaine de pins et de catalpas.

La vieille dame mourut en effet l'année d'après. Quand le char funèbre arriva près du caveau, une jeune femme en grand deuil s'approcha de la fosse. Comme l'assistance stupéfaite fixait sur elle ses regards, une tornade se déchaîna accompagnée de roulements de tonnerre, et elle disparut tout à coup sous l'orage qui éclata peu après. Les conifères nouvellement plantés et dont la plupart s'étaient desséchés reprirent alors vie.

Comme Fuhai, devenu plus grand, se languissait de sa mère, il se jeta dans la mer pour revenir seulement quelques jours après. Quant à Longgong qui, en tant que fille, ne pouvait faire ce voyage, elle pleurait souvent en s'enfermant dans sa chambre.

Un jour, à la tombée de la nuit, la fille du Roi Dragon vint soudain la voir pour la consoler et lui dit :

- Mon enfant tu vas fonder une famille, pourquoi donc pleures-tu ?

Elle lui donna comme dot un arbre de corail, haut de huit pieds, une dose de parfum de cervelle de Dragon, un sac de cent perles fines et une paire de boîtes en or incrustées de huit sortes de pierres précieuses.

Ayant appris sa venue, Ma se précipita dans la pièce et lui prit la main en pleurant. Aussitôt la foudre tomba sur le toit et la jeune femme disparut.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:08

Le Berger et les Aigles


PARTIE I

Il était une fois un jeune berger Tajik très habile qui vivait dans une belle prairie du Pamir. Un jour qu'il menait paître un troupeau de moutons, notre berger vit un vautour féroce fondre sur l'agneau à grosse queue qu'il préférait.

Au moment où le vautour allait saisir l'agneau, le berger, ayant la main leste et l'oeil prompt, sortit un poignard et le lança sur le vautour.

Le poignard se planta au beau milieu de la poitrine du vautour. Celui-ci, blessé, laissa l'agneau, battit des ailes et s'enfuit en poussant des cris déchirants.

Rassemblant toutes ses forces, le vautour rentra à son aire: Une grotte profonde sur une haute montagne escarpée. La grotte s'ouvrait sur des rochers glacés à pic qui surplombaient un gouffre si profond qu'on ne pouvait en voir le fond. Seul le ruissellement de l'eau rompait le silence.

Le vautour blessé se reposa dans sa grotte, soigné par quatre aigles qu'il avait capturés dans des montagnes lointaines lorsqu'ils étaient tout jeunes. Ces aigles qui avaient grandi, étaient devenus aussi habiles les uns que les autres. Ils sortirent à tour de rôle chercher des plantes médicinales pour panser la blessure du vautour. Ils lui offrirent aussi à manger de la viande de tétras, dont le jabot est une véritable armoire à pharmacie.

Grâce aux soins des quatre aigles, le vieux vautour fut bientôt guéri. Pourtant les aigles désiraient sa mort. C'était lui qui les avait éloignés de leur pays d'origine et séparés de leurs parents, lui encore qui les grondait et les battait tous les jours. Ils en souffraient beaucoup et voulaient se sauver, mais ils avaient peur d'être retrouvés par le vieux vautour. Ils ne pensaient qu'à se débarrasser du vautour et à recouvrer la liberté.

Le vieux vautour se remit à voler. Il vouait une haine mortelle au jeune berger et voulait se venger. Un jour, alors qu'il survolait la prairie, il vit le jeune berger endormi sur l'herbe.

Très content de cette occasion, il pensa que l'heure de la vengeance était venue. Il fondit sur sa proie et, tout d'un coup, saisit le berger dans ses puissantes serres, et l'emporta vers le ciel.

PARTIE II

Le jeune berger se réveilla et voulut réagir. Mais voyant qu'il était haut dans l'air et qu'il risquerait de se mettre en miettes en tombant si le vieux vautour lâchait ses serres, il se laissa emporter par le vautour.

Au bout d'un certain temps, le vautour déposa le berger dans sa grotte, auprès des quatre aigles. Une fois dans la grotte, le jeune berger s'avança vers la sortie. mais sitôt qu'il regarda à l'extérieur, la tête lui tourna, la montagne était si haute, la falaise si escarpée et la gorge si profonde, qu'il ne pouvait absolument pas s'échapper.

Le vieux vautour parut percer le désespoir du berger, éclata de rire, comme s'il se moquait de lui, et dit:
- Tu veux encore retourner à la prairie? Ce n'est qu'un rêve.

Sa voix ressemblait au hurlement du loup qui fait frémir les gens.

Le jeune berger fut obligé de rester dans la grotte. Il mangeait la viande de mouton que le vautour n'avait pas pu finir et buvait l'eau froide qui coulait entre les pierres. Les jours s'écoulèrent ainsi, mais il n'arrivait pas à trouver un moyen de s'enfuir.

Il mangeait et couchait avec les quatre aigles et se familiarisa vite avec eux. Il fut irrité de voir que le vieux vautour les maltraitait, et eut pitié d'eux. De leur côté, les quatre aigles se souciaient aussi de celui qui avait un sort semblable au leur.

De temps à autre, voyant son air affamé, ils saisissaient un lièvre et le lui offraient à manger à l'insu du vautour. Pour le distraire, ils chantaient et dansaient en tapotant le sol de leurs serres et battant des ailes. Le jeune berger les aimait également beaucoup; il leur peignait souvent les plumes que le vieux vautour avait ébouriffées.

Le jeune berger pensait tous les jours à son pays, à ses parents et à son troupeau de moutons. Il eut plusieurs fois envie de se battre contre le vieux vautour et de le tuer. Mais il pensa que s'il le tuait, il ne pourrait jamais quitter cette grotte quasi céleste, et n'aurait plus de quoi manger, ce qui le força à prendre son mal en patience jusqu'à ce que l'occasion se présentât...

PARTIE III

Un jour, le vieux vautour, tout joyeux, ramena un agneau de six mois, en mangea toute la viande et ne laissa que la peau. Trouvant que les pierres dans la grotte étaient trop froides, le jeune berger s'assit sur la peau.

Un soir, couché sur la peau de l'agneau, il n'arrivait pas à s'endormir. Soudain, il se souvint d'une histoire de tapis volant que sa mère lui avait racontée quand il était petit. Il s'exclama:
- Si cette peau d'agneau pouvait voler et me ramener chez moi!

Cependant, il retomba dans le désespoir en pensant qu'il n'y avait aucun immortel céleste pour faire voler la peau d'agneau; comment pourrait-elle voler toute seule? Pendant toute la nuit, le jeune berger se tournait et se retournait, et il n'avait toujours pas fermé l'oeil lorsque l'aube arriva.

Il vit en se levant le vieux vautour obliger les quatre aigles à sortir pour chercher de la nourriture. Ayant peur de lui, les aigles sortirent de la grotte en volant. En les voyant l'un après l'autre déployer leurs ailes et s'élever dans les airs, il eut brusquement une inspiration dont il fut très content, et se demanda:
- Pourrais-je demander de l'aide aux aigles?

Le jeune berger avait enfin l'espoir de s'évader. Pendant l'absence du vautour, il entraînait les quatre aigles. Il étendait la peau de l'agneau par terre, l'attachait des quatre coins aux serres des aigles, et lorsque les aigles volaient, la peau de l'agneau se déployait comme un tapis volant.

Au bout d'un mois d'entraînement en cachette, les ailes des aigles devinrent plus puissantes, tandis que le vieux vautour ne s'apercevait de rien.

Le jeune berger prit une décision. Avant de quitter la grotte, il fallait tuer le vautour, parce que si jamais le rapace venait à découvrir leur fuite, il se mettrait à leur poursuite et donnerait des coups de bec et de serres aux aigles jusqu'à ce que mort s'ensuive.

PARTIE IV

Cependant, tuer le vieux vautour n'était pas facile. Il fallait d'abord qu'il fût aveugle, afin que ses serres devinssent inutiles. Le jeune berger trouva alors un long morceau de pierre et il l'aiguisait à la dérobée à chaque absence du vautour. Au bout de sept jours, l'extrémité de la pierre était aussi tranchante qu'un poignard.

Un soir, quand le vieux vautour commença à ronfler selon son habitude, le jeune berger prit le poignard en pierre à la main, s'approcha furtivement de son geôlier et lui creva d'un seul coup l'oeil gauche. Poussant un cri déchirant, le vautour n'eut même pas le temps de contre-attaquer que le berger avait déjà retiré son arme et donné un autre coup à l'oeil droit.

Le sang giclait des yeux, le vautour ne voyait rien, battait des ailes et tendait les serres. Les quatre aigles furent à la fois contents et effrayés. Le berger les emmena dans un coin, laissant le vautour se débattre.

Affolé, le vautour chercha à attraper quelque chose, mais il ne trouva rien. Le sang coulait de plus en plus, le vautour se débattit toute la nuit, à l'aube il était hors d'haleine, incapable de bouger, et s'allongea par terre. A ce moment-là, le jeune berger s'approcha et lui donna au cou quelques coups de poignard. Le vautour s'agita dans un ultime spasme, puis, tendit les deux serres: il était mort.

Les quatre aigles dansaient de joie autour du berger, parce qu'ils étaient libres. Ils tapotèrent de leurs ailes l'épaule de leur jeune ami, comme pour le presser de quitter au plus vite la grotte. Le berger attacha solidement la peau de l'agneau aux pattes des aigles, s'assit dessus et frappa légèrement les ailes des aigles, ce qui était le signal pour les faire s'envoler.

Les quatre aigles déployèrent aussitôt leurs ailes, sortirent de la grotte et s'élancèrent dans les airs. Le jeune berger s'assit confortablement sur la peau de l'agneau, les nuages colorés flottaient auprès de lui, comme s'ils le félicitaient; la montagne de glace brillait sous ses pieds, on aurait dit qu'elle l'appelait.

PARTIE V

Les quatre aigles volèrent à tire d'ailes et arrivèrent bientôt au-dessus de la prairie. le jeune berger regarda en bas, vit que les herbes étaient encore plus vertes, que les moutons s'y dispersaient tels des perles sur un tapis vert, que les rivières faisaient penser à des rubans de soie brillante, et les tentes à des fleurs en pleine floraison...

Il ne put s'empêcher de s'exclamer:
- Mon cher pays, me voilà enfin revenu!

Les quatre aigles descendirent doucement et se posèrent devant la tente du berger. Ses parents et ses amis vinrent à sa rencontre. Voyant que les aigles étaient épuisés et ruissselants de sueur, le jeune berger les invita à se reposer chez lui et enleva le rideau de la porte.

Mais les aigles ne voulurent pas entrer, glatirent comme s'ils voulaient dire:
- Nous voudrions, nous aussi, rentrer chez nous et retrouver les nôtres.

Ils tapotèrent légèrement de leurs becs les bottes du berger, puis son habit, et battirent des ailes pour faire leurs adieux. Les larmes aux yeux, le jeune berger embrassa les aigles, en disant avec affection:
- Au revoir, mes amis!

Les quatre aigles s'élevèrent dans les airs, tournèrent trois fois autour de la tente du berger et s'éloignèrent à regret. Le jeune berger agita la main vers eux. Quand il ne les vit plus, il hésitait toujours à entrer dans la tente et regardait vers le lointain...

Plus tard, les quatres aigles vinrent souvent survoler la prairie, pour aider le berger à attraper des lièvres et des taupes qui endommageaient les herbes. Lorsqu'une horde de loups venaient pour s'emparer de moutons, les aigles avertissaient, comme des éclaireurs, le berger à temps.

C'est depuis cette époque que les bergers et les aigles sont de bons amis, de génération en génération.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Rhadamante

Rhadamante


Nombre de messages : 2674
Age : 38
Date d'inscription : 14/11/2006

Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime6/2/2007, 11:09

Dame Wei


PARTIE I

Née dans une famille très connue dans la capitale, Dame Wei avait épousé Meng, de la ville de Wuchang, vers la fin du règne de l'Empereur Dali des Tang. Plus tard, Meng et son beau-frère réussirent ensemble dans le concours impérial. Le frère de Dame Wei fut nommé chef de la police de la sous-préfecture de Yangzi et de son côté, Meng, l'époux de Dame Wei, devait aller prendre les fonctions de gouverneur à Langzhou, une des préfectures de la province du Sichuan.

Les deux postes se trouvant éloignés, Dame Wei dut quitter sa maison et suivre son mari. Comme le Sichuan était inaccessible aux voitures, Dame Wei voyageait à cheval. A l'entrée d'une vallée, le cheval s'emballa et la jeune femme tomba dans un précipice profond de mille mètres. On n'y voyait qu'un trou tout noir. Impossible d'y pénétrer ! Son époux et sa famille ne purent que sangloter, et une cérémonie funèbre eut lieu sur place avant le départ de la famille Meng.

Dame Wei, elle, atterrit sur une petite terrasse de quelques dizaines de mètres tapissée de feuilles mortes. Le corps intact, elle s'évanouit un instant, puis reprit connaissance. Une journée passa, elle n'avait à manger que de la neige enveloppée dans des feuilles pour tromper sa faim. Soudain, elle vit entre les parois de rocher une fente d'une profondeur insondable et, levant les yeux, elle réalisa qu'elle était comme au fond d'un puits.

Elle attendait la mort, quand, tout à coup, elle entrevit une lueur qui grandissait. Puis ce furent deux lumières qui s'approchaient peu à peu d'elle. Ah! Les deux yeux d'un Dragon! Terrorisée, elle se colla contre la paroi du précipice.

Un Dragon long d'environ soixante pieds rampa jusqu'au bord du puits. Pour finir, il sortit d'un coup et s'envola. Quelques secondes plus tard, apparurent deux autres lumières devant elle. Un autre Dragon allait sortir :
"Tôt ou tard je mourrai dans cette grotte, se dit-elle, alors je préfère être tuée par les Dragons !"
Profitant de ce que le Dragon sortait du précipice, elle monta d'un coup sur son dos sans qu'il s'en aperçoive. Le Dragon et la femme s'envolèrent vers le ciel.

PARTIE II

N'osant pas regarder le monde au dessous d'elle Dame Wei se laissa entraîner par le Dragon. Au bout d'une demi-journée, elle crut avoir parcouru dix mille lis. Alors, elle ouvrit craintivement les yeux et découvrit mer, rivière, arbres et herbes qui devenaient plus nets à mesure que le Dragon descendait. A une cinquantaine de pieds de la terre, de peur que le Dragon ne plonge dans une rivière, elle se laissa tomber dans des herbes drues. Un instant après, elle reprit conscience.

Sans nourriture depuis quatre jours, Dame Wei se sentit épuisée, mais elle erra au hasard. Un pêcheur s'affola à la vue d'une femme aussi squelettique. Aux questions qu'elle lui posa, il répondit qu'elle se trouvait à vingt lis de la sous-préfecture de Yangzi. Ce renseignement réjouit tellement Dame Wei qu'elle raconta toute son aventure au pêcheur.

Pris de pitié pour la jeune femme, celui-ci l'invita à venir boire du thé et du bouillon à bord de son bateau.
- Le jeune seigneur Wei, qui vient d'être nommé chef de la police de la sous-préfecture, est-il arrivé ? demanda la jeune femme.

-Non. Je n'en sais rien, répondit le pêcheur.

- C'est mon frère. Veuillez me conduire là-bas ! Je vous récompenserai bien.

Le pêcheur l'emmena en bateau à la sous-préfecture et l'accompagna jusqu'à la porte de la résidence de son frère.

Celui-ci, qui était entré en fonction plusieurs jours auparavant, fut surpris et incrédule quand on lui dit que sa soeur était là.
- Ma soeur est partie pour le Sichuan avec mon beau-frère, s'exclama-t-il, comment se fait-il qu'elle soit venue ici ?

Même après avoir appris ce qui s'était passé, il resta plus ou moins convaincu.

Quand il arriva auprès d'elle, sa soeur se mit à sangloter tout en se lamentant sur son sort malheureux. Frappé par le dépérissement de sa soeur, le nouveau chef l'invita à se reposer chez lui pour recouvrer la santé.

Toutefois, il demeurait toujours dans l'incertitude. Plusieurs jours passèrent et il reçut en effet une lettre du Sichuan lui annonçant le malheur qui avait frappé sa soeur.

Tranquilisé, il éprouva une joie mêlée de chagrin et il envoya offrir au pêcheur vingt mille sapèques pour le récompenser. La famille de son mari pleura de joie à la vue de la jeune femme retrouvée.

Des dizaines d'années plus tard, cette aventure fut racontée par Pei Gang, le cousin de Dame Wei, qui sous le règne de l'Empereur Zhenyuan, fut nommé chef de la police de Gao'an dans la préfecture de Hongzhou.
Revenir en haut Aller en bas
https://roles-et-legendes.1fr1.net
Contenu sponsorisé





Légendes de 41 à 50 Empty
MessageSujet: Re: Légendes de 41 à 50   Légendes de 41 à 50 Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Légendes de 41 à 50
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Rôles et Légendes :: L'univers mythologique :: Orientale :: Chinoise-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser